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essentiels, ses aspirations et l’harmonie profonde de ses facultés. Ce qui divise et morcelle l’homme est mauvais : ce qui l’unifie, l’exalte et le réalise, est bon et vrai. La vie, au sens psychologique et moral, reprend ainsi tous ses droits : la spéculation la retrouve, la certitude nous y ramène. De nouveau le problème spéculatif se suspend pour faire place au problème vital et pratique : la certitude se détache peu à peu de la pensée pure pour nous faire pénétrer dans ce foyer moral intense dont elle est le rayonnement. Elle cesse de dépendre d’un pur travail d’esprit pour devenir le dernier terme d’une évolution beaucoup plus complexe que celle de nos raisonnemens ; elle sera désormais le fruit d’une expérience humaine et l’expression d’une vie dont les qualités et les nuances se reflètent en elle invinciblement.


II. — LA VIE

Au point où nous en sommes, la certitude, pénétrée de toutes parts et assaillie par la vie, n’offre rien de commun avec ces combinaisons d’idées qui traversent, éphémères, une conscience indifférente : elle est, selon une énergique expression de M. Ollé-Laprune, une étape de nos progrès spirituels, une forme de notre croissance morale. Il appliquera désormais son analyse moins à la valeur formelle des convictions qu’à leur préparation dans la conscience, estimant que les convictions droites et justes tiennent à la libre expansion et au développement harmonieux de l’âme. La vie, créatrice de certitude et dépositaire de vérité, telle est la nouvelle conception à laquelle l’examen minutieux des conditions d’une connaissance complète l’a définitivement conduit.

On sent à la complaisance avec laquelle il tourne et retourne cette formule qu’elle résume à ses yeux les rapports essentiels du vrai et du réel. Et qu’il se meut à l’aise dans ces vastes perspectives de la vie intérieure où tant de croyances prennent forme et se mettent en relief ! Il excelle à noter d’un trait heureux leur physionomie, leur allure, à dégager la loi de leur formation et de leur déclin, à montrer comment d’invisibles faiblesses, d’invisibles attaches sont un perpétuel démenti à notre prétendue bonne volonté, un perpétuel obstacle à la vérité[1]. Mais, chose

  1. Voir à ce sujet dans la Certitude morale, le chapitre intitulé : De la Valeur de la Certitude morale.