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la dictature du maréchal Serrano. Ce nouveau régime se montra aussi impuissant que les précédens à pacifier le pays et à y faire renaître l’ordre et la prospérité. Au mois de février, les carlistes vinrent mettre le siège devant Bilbao. Moriones essaya vainement de le faire lever ; il dut y renoncer, après avoir subi un sanglant échec à Somorrostro. Ce ne fut que le 1er mai que le maréchal Concha parvint à débloquer la ville, mais il périt peu de temps après au combat de Muro.

L’Espagne était lasse des agitations dans lesquelles elle se débattait depuis sept ans. Après avoir essayé de tant de régimes divers, manifestement elle appelait de ses vœux une monarchie nationale. Les partisans de l’ancien gouvernement de la reine Isabelle crurent le moment venu de tenter une restauration au profit de Don Alphonse, fils de la reine, qui avait abdiqué en sa faveur depuis le 25 juin 1870. Ce jeune prince allait accomplir sa dix-huitième année. Un groupe d’hommes politiques, à la tête duquel était M. Canovas del Castillo, s’employa sans relâche à gagner à sa cause des sympathies actives. Il réussit à y intéresser le gouvernement français.

Depuis la funeste guerre de 1870, sortie, comme on sait, de la candidature d’un prince prussien au trône d’Espagne, la France s’était désintéressée de la politique intérieure de l’Espagne. M. Thiers, qui avait conservé le pouvoir pendant plus de deux ans, était de longue date l’adversaire déclaré des carlistes. En 1836 déjà, il s’était retiré du ministère parce que le roi Louis-Philippe n’avait pas voulu consentir à une intervention armée de la France contre le premier Don Carlos. Ses sentimens n’avaient pas changé, et il n’avait pas dépendu de lui que l’héritier des prétentions du frère de Ferdinand VII ne fût appréhendé au corps par la police française[1]. Le maréchal de Mac-Mahon, qui lui avait succédé, avait dû user de plus de ménagemens envers les carlistes, les légitimistes, qui formaient un appoint important dans la majorité parlementaire sur laquelle il s’appuyait, affichant leurs sympathies

  1. M. Thiers avait envoyé des agens de la sûreté pour découvrir la retraite de Don Carlos. Les agens s’assurèrent de la présence du prince dans les environs de Pau, chez un des plus sympathiques conseillers généraux des Basses-Pyrénées. Le Président fit à ce sujet une algarade au préfet : « Comment ! Don Carlos se cache à votre porte et vous ne le faites pas arrêter ? — Monsieur le Président, lui répondit le marquis de Nadaillac, comme vous avez paru vous réserver la surveillance de Don Carlos, j’aurais cru vous manquer en le Taisant. » Au fond, M. Thiers ne se souciait pas autrement de se mettre à des les légitimistes de l’Assemblée nationale.