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dommages à eux causés pendant la guerre carliste est fixé depuis vingt ans, et je ne sache pas que les sommes fixées aient été encore payées. Il en eût été certainement de même des indemnités promises à nos administrés, si je n’avais employé un procédé particulier pour en hâter le règlement.

Comme je tenais les clés de la frontière et que personne ne pouvait la franchir sans mon autorisation, le consul général d’Espagne avait journellement besoin de recourir à moi pour obtenir certaines facilités. Plusieurs mois s’étaient déjà écoulés sans que le gouvernement espagnol nous fit voir la couleur de son argent. Certain jour que le consul venait me demander une de ces autorisations sans conséquence que je lui accordais d’ordinaire sans difficulté, je la lui refusai net. « Il est impossible, lui dis-je, que je continue à vous accorder des faveurs, si minces soient-elles, au vu et au su des populations parmi lesquelles vos soldats ont fait des victimes, alors que votre gouvernement ajourne, au-delà de toute raison, les justes réparations qu’il reconnaît lui-même nous être dues.

— Mais enfin, ce n’est pas moi qui retarde ce paiement.

— D’accord ; mais il dépend de vous qu’il soit effectué sans retard.

— Et comment ?

— Entre nous, vous ne contesterez pas que votre gouvernement ne vous ait ouvert, chez les banquiers de Bayonne, un crédit de deux millions pour mettre fin à la guerre. Faites-vous autoriser à prélever sur ce crédit la somme nécessaire au paiement des indemnités, et nous redeviendrons les meilleurs amis du monde. Sinon, ne venez plus rien me demander : pas d’argent, pas de Suisse.

— C’est bien, je verrai ce que j’ai à faire.

Et le consul me quitta d’un air digne et vexé.

Huit jours se passèrent sans qu’il revînt. Enfin, un beau matin, il se fait annoncer chez moi, et je le vois paraître plus pompeux et plus enflé de son importance que jamais. D’un geste majestueux, il dépose sans mot dire une liasse de billets bleus sur mon bureau.

— Qu’est-ce que c’est que ça ?

— Ça, c’est l’indemnité des victimes de Biriatou et de Peñia Plata.

— Ah ! mon cher consul, comme je vous remercie ! Je vous