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d’épaisseur, l’eau qui la recouvre est devenue transparente, c’est à peine si elle présente une teinte ambrée ; dans l’autre vase au contraire, l’eau ne se clarifie pas, elle reste bourbeuse, conservant en suspension toute l’argile qu’on y a délayée.

On conçoit dès lors que cette argile, entraînée des couches superficielles, descende au travers des vides que présente une terre poreuse, en expulse l’eau, les bouche, et que l’approvisionnement d’eau soit diminué, mais que cet effet fâcheux ne se produise pas, si l’argile coagulée par le calcaire n’est plus entraînable.

Pour m’assurer que les choses se passaient bien ainsi, j’ai fait construire, en cuivre rouge, des cloches cylindriques terminées à la partie inférieure par une calotte sphérique munie d’un orifice d’écoulement ; sur une des parois verticales on a foré trois ouvertures à l’aide desquelles on prend des échantillons de terre afin de déterminer l’eau qu’elle renferme. Pour soustraire ces cloches à réchauffement par les rayons solaires, on les a logées dans des boîtes de bois, soutenues à une certaine hauteur par des pieds pour qu’on pût placer, au-dessous de l’orifice inférieur de la cloche, un flacon destiné à recueillir les eaux d’égouttement. Une de ces cloches a reçu 7 kilos d’une terre forte de la Brie, une autre un poids égal de la même terre additionnée de 5 grammes de chaux par kilogramme, puis on a exposé les deux terres à la pluie. Les prises d’échantillon après deux mois environ ont montré que la terre sans chaux ne renfermait en moyenne que 17,7 pour 100 d’eau, la terre chaulée en contenait 23, 2 ; la première retenait en tout 1 333gr, 8 d’eau, et en avait laissé écouler 280 centimètres cubes, la seconde en contenait 1737gr, 5 et n’avait fourni aucun écoulement.

Il est clair que le chaulage, en empêchant l’ameublissement de disparaître, en conservant la terre poreuse, y maintient un fort approvisionnement d’humidité ; l’addition de la chaux aux terres fortes argileuses est donc très avantageuse, et les cultivateurs le savent depuis longtemps. Il n’en serait plus de même pour une terre légère, perméable et très filtrante ; puisque l’eau la traverse aisément, c’est que les canaux d’écoulement sont larges, bien ouverts, les attractions capillaires qui retiennent l’eau dans les espaces étroits, s’y exercent mal… si nous chaulons, tous ces défauts s’exagèrent, l’argile se contracte, les canaux d’écoulement s’élargissent et, loin d’augmenter l’approvisionnement d’eau, nous avons chance de le restreindre.