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La culture des légumineuses est donc extrêmement avantageuse, et les pays qui ne peuvent l’entreprendre sont privés d’une précieuse ressource ; or, s’il existe quelques espèces de légumineuses qui vivent sur les sols schisteux ou granitiques, si l’ajonc épineux croît en Bretagne où il rend de grands services, il est bien loin de fournir une masse de matière végétale comparable à celle qu’on obtient d’une luzerne, ou d’un trèfle, qui ne prospèrent que là où le calcaire ne fait pas défaut. On n’a pu établir de prairies artificielles sur les terres qui en sont privées, que du jour où, les chemins de fer étant construits, à bas prix la chaux leur arriva. Elle y fit éclore, pendant quelques années, une admirable prospérité ; dans la Sarthe et la Mayenne ; on entreprit avec un plein succès la culture du trèfle ; la vente de sa graine donna de si gros profits, que les deux tiers du pays furent employés à la produire ; rapidement, les cultivateurs s’enrichirent ; éblouis par les brillans progrès que la chaux avait déterminés, ils crurent qu’elle suffisait à tout. Malheureusement, il n’en est pas ainsi ; peu à peu, les récoltes de trèfle furent moins abondantes, puis, plus tard, la terre se trouva complètement incapable de porter la plante qui y avait crû naguère avec une extrême vigueur.

Ces faits bien constatés soulèvent deux questions intéressantes à discuter : Pourquoi les prairies artificielles ne peuvent-elles s’établir dans les contrées où manque le calcaire, que lorsqu’on l’y apporte ? Pourquoi la chaux, si avantageuse à la culture du trèfle, pendant les premières années de son emploi, n’exerce-t-elle plus ensuite aucune action utile ? Pour répondre, il est nécessaire de rappeler brièvement le mode d’alimentation très particulier des légumineuses.

On les nomme plantes améliorantes, parce qu’elles utilisent à leur profit l’azote atmosphérique. Nous avons sur ce sujet des expériences chiffrées ; une terre renfermant par kilogramme 1gr, 45 d’azote combiné porte une culture de trèfle ; à l’analyse, on trouve que les plantes récoltées sur un hectare renferment 69kg, 15 d’azote ; il semblerait que la terre dût être appauvrie de l’azote utilisé par les végétaux. Point ; elle renferme, après que le trèfle a été enlevé, 1 kg, 57par kilogramme ; elle s’est donc enrichie ; visiblement l’azote atmosphérique est intervenu.

Le mécanisme de sa fixation dans le sol a été découvert par M. Berthelot ; elle est due à l’activité de bactéries qui pullulent dans la terre et qu’on cultive facilement dans le laboratoire. En