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La composition du milieu dans lequel on cherche à établir une fermentation exerce, en effet, une influence décisive sur son activité : la fermentation alcoolique exige un milieu légèrement acide, la fermentation forménique qui apparaît dans le fumier de ferme, des liquides très alcalins ; s’ils deviennent acides, au lieu de gaz des marais, on recueille de l’hydrogène. On conçoit donc que les bactéries de l’ajonc épineux adaptées à un sol acide, disparaissent quand ce sol est chaulé, et soient remplacées parcelles qui s’accommodent du calcaire ; or, comme ce sont précisément ces microrganismes du calcaire qui s’installent sur les racines du trèfle et de la luzerne et les approvisionnent d’azote, les plantes des prairies artificielles prospèrent là où naguère l’absence de calcaire rendait leur culture impossible.

La réussite des prairies artificielles est donc liée à la présence dans le sol des bactéries productrices de nodosités, capables de symbiose avec le trèfle ou la luzerne, et, si leurs germes n’existent pas dans le sol qui doit porter ces cultures, il y aura grand avantage à les introduire. Cette inoculation a été tentée avec succès ; il y a une dizaine d’années, M. Saldfeld a répandu sur une terre tourbeuse, préalablement chaulée et additionnée de phosphates et de sels de potasse, de la terre provenant d’un champ où de la vesce et des féverolles donnaient habituellement de bonnes récoltes. On recueillit sur les parcelles ainsi traitées un poids de vesce et de féverolles double de celui que fournirent les parcelles voisines où l’épandage de la terre n’avait pas eu lieu. S’appuyant sur cette expérience et sur l’hypothèse que la symbiose entre légumineuse et bactérie est très étroite, qu’à chaque espèce de légumineuse correspond une bactérie spéciale, un physiologiste allemand, M. Nobbe, a essayé de faire passer dans la pratique agricole l’épandage de ces germes de bactéries. Il a mis dans le commerce, sous le nom de nitragine, une sorte de gelée végétale, facile à liquéfier dans l’eau tiède, renfermant les germes des diverses bactéries obtenues par des cultures pures de ce qu’il croit être des espèces distinctes. Veut-on semer du trèfle, on imprègne la graine des germes des bactéries spéciales au trèfle, espérant assurer ainsi la symbiose et par suite l’abondance de la récolte. Les agronomes ont suivi avec le plus vif intérêt, cette hardie tentative de faire entrer le commerce des bactéries dans les usages journaliers. Malheureusement, les essais n’ont pas réussi, en général le mélange de la nitragine aux graines à