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de phénomènes, restés jusque-là dans une profonde obscurité. La formation de l’ammoniaque, à l’aide de la matière azotée de la terre, la fixation de l’azote atmosphérique, la nitrification, sont dus à des actions microbiennes ; la chaux vive employée par Boussingault tuait tous les fermens du sol, et dès lors, l’ammoniaque qu’il obtenait en petites quantités, était formée par simple action chimique, moins énergique à la température ordinaire que ne l’est le travail des bactéries. C’est ce qu’ont reconnu MM. Muntz et Condom, qui, étudiant la formation de l’ammoniaque dans le sol, en ont obtenu davantage en maintenant leurs terres humides, de façon à favoriser le travail des bactéries, que Boussingault n’en avait recueilli, en agissant violemment par le chaulage.

La chaux caustique n’est pas favorable aux microrganismes ; tant qu’elle conserve sa causticité, elle empêche la nitrification et même la formation des nodosités sur les racines des légumineuses ; mais elle est bien moins funeste dans les sols en place que dans les flacons employés par Boussingault. Exposée à l’air, rapidement elle se carbonate, perd sa causticité et après quelques temps, de nuisible devient favorable. C’est ainsi que les nitrates n’apparaissent dans les sols schisteux, sablonneux, dans les terres de landes, qu’après l’épandage des amendemens calcaires.

On en saisit aisément la raison, à l’aide de quelques expériences de laboratoire. On introduit dans une fiole du sulfate d’ammoniaque en dissolution étendue, un peu de phosphate de potasse, nécessaire à tous les fermens figurés, et quelques gouttes d’un liquide en pleine fermentation nitrique ; l’air pénètre facilement dans la fiole, simplement obturée par un tampon d’ouate, de façon à retenir les fermens étrangers ; on maintient à l’étuve à 25°, température très favorable, et cependant le sulfate d’ammoniaque persiste sans changement ; les nitrates n’apparaissent pas ; ils se forment aisément, au contraire, dans une fiole toute semblable, renfermant les mêmes matières, exposée à la même température, mais dans laquelle on a introduit quelques décigrammes de carbonate de chaux ; le premier liquide présente une réaction acide, le carbonate du second la rend légèrement alcaline, et cette différence de réaction suffit pour arrêter ou favoriser la nitrification. Les organismes qui la provoquent ne vivent que dans un milieu neutre ou très faiblement alcalin ; au début, ils agissent sur l’ammoniaque du sulfate, brûlent cette ammoniaque et en forment des acides nitreux ou nitrique ; en outre, l’acide sulfurique est mis