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Cependant, en vertu du principe des nationalités, dans l’hypothèse d’un partage loyal autant que sans réserve, la Russie aurait pour lot les provinces slaves : la Galicie, Ruthènes et Polonais, l’appendice polonais de la Silésie autrichienne, la Moravie, la partie tchèque de la Bohême (l’Allemagne s’étant prudemment contentée de la partie allemande), la Carniole et le Küstenland, en Hongrie, le pays slovaque, puis la Croatie-Slavonie. En vertu du principe des nationalités, la Roumanie déborderait par-delà les montagnes, sur la Transylvanie et la Bukowine, et entre ces trois grands États : une grande Allemagne, une grande Russo-Slavie, une grande Roumanie, en vertu de ce principe encore, la petite Hongrie, un petit État magyar de 8 à 10 millions d’âmes, vivoterait comme il pourrait. Enfin, et toujours en vertu du principe des nationalités, l’Italie se verrait adjuger un mince territoire en Istrie jusqu’à la pointe de Pola, et les parties ladines du Tyrol qui commandent Trente et le Trentin. Mais, en dépit du principe des nationalités, l’Allemagne, — quia nominatur leo, — et parce qu’il lui faudrait un passage franc et souverain vers Trieste, garderait par devers elle, malgré leur italianisme, Goritz et Gradisca : de toutes les puissances intéressées, l’Italie serait celle qui grandirait le moins, si même on ne lui demandait point quelques concessions ou quelques facilités dans le Frioul, qui est à elle.

Quant aux autres nations, en vertu du principe des nationalités, elles n’auraient qu’à regarder, les bras croisés, les mains vides ; et celles d’entre elles, s’il en était, — il en serait peut-être, — qui prétendraient se faire acheter par des compensations un désintéressement non sans mérite moral, mais sans valeur marchande, puisqu’elles n’auraient pas de titres directs à se montrer intéressées, celles-là feraient sagement de ne pas formuler de vœux ou de conditions tels qu’on leur pût opposer le principe lui-même des nationalités ; admirable et fameux principe, par l’extrême application duquel les nationalités allemande, russe, italienne et roumaine détruiraient la nationalité autrichienne et, pour la punir d’exister si peu, de ne s’être pas, dans le passé, suffisamment constituée, à tout jamais, en l’écartelant, l’empêcheraient de se constituer[1].

  1. Pour ce qui concerne spécialement la Bohême dans toute cette première partie, consulter l’Ubersichst-Karte des Königreiches Böhmen, de J.-E. Wagner, Prague, 1896, Kytka.