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aussi en Angleterre, et Mme de Balbi était à Bruxelles avec son fils. Mais, quatre mois auparavant, j’avais reçu la visite, dont je ne tirai de Dieu grâce, de vingt ou trente mille amis qui venaient me supplier de ne pas partir, comme on en avait fait courir le bruit. Ce jour-là, lady Stafford avait dîné chez Mme de Balbi, et, la voyant fort inquiète pour son fils qui avait alors douze ans, elle lui proposa de le prendre dans sa voiture en sortant du Luxembourg et de le mettre en sûreté chez elle. L’offre fut acceptée, comme vous pouvez bien le croire, et exécutée avec autant d’intelligence qu’on en avait mis à la faire. Vous voyez par ce récit que lady Stafford fut excellente amie et que Mme de Balbi ne fut pas mauvaise mère. C’est assez bavarder. »


II

Tout n’est pas rose dans le métier d’ambassadeur. A côté des plaisirs, il y a les affaires. Celles de l’Europe, en cette année 1820, se présentaient terriblement compliquées. Révolution en Espagne, révolution à Naples, troubles en Portugal, c’était plus qu’il n’en fallait pour ébranler la quiétude des gouvernemens signataires de la quintuple alliance formée à Aix-la-Chapelle et qui se croyaient toujours à la veille de voir renaître, partout où les souverains ne pouvaient plus maîtriser leurs sujets, des événemens analogues à ceux qu’on avait vus se dérouler en France depuis 1789.

La révolution d’Espagne, connue à Paris au moment où Decazes allait en partir, avait eu pour effet de rendre Ferdinand VII prisonnier des Cortès et de ses ministres. Il n’était plus qu’un roi sans pouvoir, condamné à se déclarer satisfait des mesures qui rendaient plus éclatante son impuissance et la consacraient. Il faisait cependant contre mauvaise fortune bon cœur, en attendant le jour où il pourrait se venger de ceux qui avaient fomenté la révolte. Mais les cabinets européens ne se résignaient pas aussi aisément que lui à voir s’embraser ce foyer de désordre, à proximité de la France qu’ils soupçonnaient encore d’être prête à prendre feu et où le mouvement espagnol avait trouvé des encouragemens parmi les ultra-libéraux et les bonapartistes. C’est un véritable effroi qu’à l’exception de l’Angleterre ils éprouvaient tous, même ceux en qui n’avait pu naître la pensée d’intervenir pour éteindre l’incendie.

« Quel événement immense que ce qui vient de se passer en