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d’autant plus d’ajourner son départ que les Anglais tentaient d’exploiter contre la France, à Madrid, les intentions bienveillantes de Louis XVIII.

C’est qu’ils avaient intérêt à ce que la Révolution en Espagne se prolongeât et s’aggravât, ce qui mettrait le nouveau gouvernement dans l’impossibilité de faire partir le corps expéditionnaire qu’allait envoyer l’ancien, au moment de sa chute, dans les colonies de l’Amérique du Sud pour combattre l’insurrection de ces pays. La révolte des colonies espagnoles, que la Grande-Bretagne se croyait sûre de diriger au gré de ses intérêts, ne pouvait que servir son commerce et fortifier sa puissance maritime en changeant le système colonial des Européens. Pour ces causes, les Anglais ne voulaient pas que les grands États signataires de la quintuple alliance intervinssent en Espagne, comme l’avait proposé par deux fois l’empereur de Russie. Ils eussent été plutôt disposés à favoriser la révolution naissante qu’à la combattre et, sous prétexte qu’il fallait respecter l’indépendance du peuple, ils s’opposaient à toute intervention.

Le roi de France ne pouvait approuver cette marche. Il en entrevoyait trop clairement les périls. Sans être d’avis, comme le Tsar, qu’il fallût faire entendre sur l’heure aux Espagnols de sévères avertissemens, il avait enjoint à son ambassadeur à Londres de s’appliquer à étouffer les germes de mésintelligence créés entre la France et l’Angleterre par la révolution de Madrid, à les empêcher surtout de se développer. La mission était délicate, et c’est à la faire réussir que Decazes devait mettre tous ses soins. On lui recommandait de partir de ce principe d’une part, que l’état révolutionnaire de l’Espagne était un péril pour ses voisins ; et, d’autre part, qu’il y avait lieu de s’opposer à tout ce qui pourrait contribuer à accroître, au détriment de la France, la puissance maritime de l’Angleterre et notamment à la reconnaissance du droit de visite, qu’elle poursuivait sous le prétexte d’arriver plus promptement à une répression efficace de la traite des nègres.

Porteur de ces instructions, Decazes venait d’arriver à Londres, lorsqu’il y fut salué par la nouvelle de la révolution de Naples, A Naples comme à Madrid, le mouvement fomenté par une coalition des sociétés secrètes et de l’armée venait de transformer, en moins de huit jours, la monarchie absolue en une monarchie « quasi républicaine. » Mais, tandis qu’à Madrid, Ferdinand VII