Page:Revue des Deux Mondes - 1899 - tome 156.djvu/32

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

aient atteint le méridien de Pakhoï ; là, les jonques[1] débarquent leur chargement qui, en dix ou douze jours, est transporté par terre jusqu’au port. Pakhoï est donc, dans la région voisine du Tonkin, le point de concentration des importations et des exportations, la tête de ligne de la route chinoise du Yun-nan[2].

Le Yun-nan n’est pas l’Eldorado que parfois l’on se figure ; mais il renferme des richesses naturelles, agricoles et minières, qui, exploitées et développées, fourniraient les élémens d’un trafic considérable. Son climat, peu agréable à cause de la violence des vents, est tempéré et sain ; sa situation géographique, à la rencontre des routes d’expansion française et anglaise, fait de la « question du Yun-nan » l’une des plus graves de la politique asiatique. La province compte environ une dizaine de millions d’habitans ; mais la population est toute concentrée dans quelques vallées fertiles et bien arrosées. Le sol, dans ces cantons privilégiés, donne deux récoltes par an : l’une de fèves, de blé et surtout d’opium, que l’on appelle « le petit printemps ; » la seconde ne fournit que du riz ; c’est le « grand printemps.  » Les musulmans ont introduit sur les plateaux l’élevage du bétail ; mais c’est dans les mines surtout qu’est l’espoir économique du Yun-nan. Les dernières explorations, notamment celles de la mission lyonnaise, ont constaté, dans le sous-sol, la présence de grands amas de plomb argentifère et de cuivre, de gisemens de fer, d’étain, de zinc, de mercure, de sel ; enfin, presque partout on a signalé des couches de houille. Etudiées et mises en exploitation par des compagnies dirigées par des Européens, ces mines pourraient fournir à l’exportation, par les voies terrestres ou fluviales, un chiffre considérable de tonnes de métal.

On trouve donc au Yun-nan les promesses d’un brillant essor économique ; mais tout le commerce de la province ne se dirige pas vers le golfe du Tonkin, soit par la voie du Fleuve Rouge, soit par la branche occidentale du Si-kiang : la région du nord-est, au point de vue commercial, est une dépendance du Se-tchouen. Au sud-ouest, dans la région montueuse qui sépare le Mékong des

  1. Sur 500 jonques qui, d’après M. Brenier, passent annuellement à Pe-se, deux dixièmes seulement descendent le fleuve jusqu’à Canton.
  2. Le trafic de Pakhoï, évalué de 15 à 17 millions de francs, est en voie continuelle d’accroissement. Pakhoï est le centre de rayonnement commercial d’où dépendent, outre une partie du Kouang-si et une bande étroite du Kouang-toung, la région orientale du Yun-nan et un riche canton du Koui-tcheou, autour de Gan-chouen et de Houang-tsao-pa. — Les importations sont doubles des exportations.