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notamment de celles qui touchent à l’organisation des impôts et au règlement des dépenses de la nation. A peine ont-ils le temps, entre deux crises, d’ajuster rapidement les recettes aux dépenses, c’est-à-dire d’arracher chaque année, pour obtenir à grand’peine ce qu’on appelle l’équilibre, 20, 30, 40 millions de plus aux contribuables, puisque, de jour en jour, avec une désespérante régularité, les demandes de chaque service public croissent, et tous nos ministères réclament des crédits nouveaux. Car le ministre ne s’est pas encore rencontré qui dirait aux représentans du peuple, au pays lui-même : « Voici ce que vous pouvez payer au Trésor sans être écrasés, sans être gênés dans votre vie, arrêtés dans vos entreprises ; réglez les dépenses publiques en conséquence, ne vous contentez pas de subvenir aux frais d’administration courante, songez aux dettes que vous avez dû contracter à d’autres époques ; efforcez-vous d’en réduire le fardeau, de les amortir. De mauvais jours reviendront où il faudra emprunter ; et vous le pourrez d’autant mieux que vous aurez été plus prévoyans aux époques de calme et de prospérité. »

Qu’un semblable langage étonnerait ! et qu’il différerait de celui qui est tenu chaque année au Parlement et qui se résume en ceci : « Il nous faut dépenser trois, puis quatre, bientôt ce sera cinq milliards ; ingénions-nous à chercher toutes les sources d’impôt, à découvrir quelque coin inexploré où la plus âpre des fiscalités puisse s’exercer ; soumettons au contrôle d’administrations tracassières tous les actes de la vie des Français ; frappons de droits, de taxes, les objets qu’ils consomment, les actes qu’ils font, les sociétés qu’ils forment ! Comme une troupe de cavalerie légère attachée aux flancs d’une colonne d’infanterie qui chemine péniblement, harcelons sans cesse ces pauvres fantassins, ces contribuables, qui s’efforcent d’avancer dans la vie en gagnant leur pain et celui de leurs enfans ; épions-les à chaque tournant de route ; voyons s’ils ne nous dissimulent rien ; faisons-leur rendre gorge ; qu’ils passent chez le percepteur chaque mois, chaque semaine ; que le pain qu’ils mangent soit taxé dès la frontière ; que l’habit qu’ils revêtent le soit aussi ; que la voiture qui les transporte, la bicyclette sur laquelle ils se promènent, le billard sur lequel ils se récréent, acquittent des taxes à l’Etat, au département, à la commune ; mesurons-leur l’air et la lumière, en imposant chaque porte, chaque fenêtre qu’ils ouvrent dans leur maison ; que leurs actes de naissance, de mariage et de mort soient