Page:Revue des Deux Mondes - 1899 - tome 156.djvu/377

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

on votait des dépenses croissantes, sans savoir exactement si le budget était en mesure de les supporter, et flétrissait les procédés insoucians qui ont causé les malheurs financiers de l’Italie. Il annonçait un changement de route : les projets de dégrèvement coordonnés avec ceux d’économies et de réformes organiques ; les économies considérées comme sacrées et inviolables parce qu’elles sont destinées aux malheureux, aux travailleurs, à la petite épargne ; il aspirait à l’honneur d’être un prévoyant gardien du Trésor, tout en ayant l’apparence d’un réformateur audacieux. Certes il serait excessif d’accepter sans réserve le tableau riant dressé par M. Luzzatti. Les finances italiennes ne sont pas encore organisées de façon à donner les brillans résultats entrevus par l’économiste-poète, qui sait prêter un charme si vivant à d’arides exposés de chiffres et de faits. Mais il est bon que, à l’occasion du budget, de pareilles questions soient soulevées, que les horizons de la discussion soient élargis, que les mandataires de la nation soient rappelés aux conceptions élevées qui doivent être le fil conducteur de leurs décisions. Nous n’ignorons pas qu’il y a loin de la coupe aux lèvres, et que bien souvent les ministres auteurs des programmes les plus séduisans et les Parlemens animés des plus belles intentions ont pratiqué une politique financière différente de celle que les uns recommandaient ou que les autres rêvaient : ce n’en est pas moins le devoir de tous ceux qui peuvent exercer une action quelconque à cet égard de rappeler, sans se lasser ni se décourager, une vérité qui doit présider à la vie économique comme à la vie morale des peuples.

En face de pays qui améliorent leurs budgets ou qui cherchent tout au moins à le faire, nous pourrions au contraire montrer des nations, comme les États-Unis de l’Amérique du Nord, qui ne sont pas en progrès : là, les traditions de la grande époque qui a suivi la guerre de Sécession n’ont pas été conservées ; la gestion financière, viciée par la politique, par l’incertitude monétaire et le protectionnisme douanier, ne présente plus aujourd’hui la même continuité qu’il y a vingt ans. Les Américains procédèrent alors avec une énergie sans exemple[1] au rachat de la dette considérable qu’ils avaient contractée de 1861 à 1865 ; s’ils avaient persévéré, il ne resterait plus aucun de leurs titres de rente en circulation, à l’exception de ceux dont l’époque de

  1. Voyez notre article sur les Finances des États-Unis de l’Amérique, dans la Revue du 1er août 1898.