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compensations, ils prétendent nous exclure de la vallée du Yang-tsé. Pour fonder leur droit, ils font grand état des « déclarations d’inaliénabilité ; » ils savent bien cependant qu’elles n’auront jamais d’autre portée que celle que les chancelleries européennes voudront bien leur prêter. Les Anglais ont obtenu du Tsong-li-Yamen une « déclaration » portant que jamais aucun territoire du bassin du Yang-tsé ne serait aliéné ; mais nous avons obtenu un acte analogue pour les trois provinces qui nous avoisinent, et cependant les Anglais y réclament les mêmes droits que nous ; ils ont même, dans l’une d’elles, occupé Kao-loung ; pour le Yun-nan et le Kouang-toung, le Foreign office peut exhiber, comme nous, une « déclaration.  » Il est donc bien évident que ces formules diplomatiques n’ont pas d’autre portée que d’affirmer l’intégrité du Céleste Empire. M. Brodrick, qui ne paraît pas partager l’ardeur belliqueuse de lord Charles Beresford et qui l’en raillait finement à la Chambre des communes, rappelait, dans un récent discours, que la convention anglo-française du 15 janvier 1896 garantissait aux deux puissances signataires les mêmes avantages dans les provinces du Yun-nan et du Se-tchouen : ce qui serait accordé à l’une le serait, par le fait même, à l’autre. Nous pouvons donc, aussi bien que nos voisins, demander une concession de chemins de fer au Yun-nan ou au Se-tchouen. Ne nous laissons pas détourner de notre but par des fantômes de « déclarations,  » car l’Angleterre n’a aucun privilège exclusif dans la vallée du Fleuve Bleu. C’est en vain que les « impérialistes » ont essayé de tirer de la dernière convention anglo-russe une confirmation de leurs prétendus droits : c’est donner aux textes un sens complaisant. Les Russes ont obtenu dans le nord l’avantage qu’ils souhaitaient pour leurs chemins de fer, ils ont à peu près exclu les Anglais de la Mandchourie ; en revanche, ils se sont engagés à ne pas demander de concessions dans le bassin du Yang-tsé, où ils n’ont, en effet, aucun intérêt et où leurs marchandises sont assurées de pénétrer par la ligne franco-belge. Ni de cette convention, ni d’aucun autre acte diplomatique, les Anglais ne sauraient arguer pour s’attribuer un droit exclusif quelconque sur une partie quelconque de la vallée du Fleuve Bleu.

Quelles que soient d’ailleurs les couleurs dont l’ « impérialisme » voudrait voiler ses convoitises, il apparaît assez clairement que, des Indes à la mer de Chine, nous sommes menacés de l’établissement d’un grand empire britannique. Malgré les