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dehors, et il l’a fait avec un ton d’assurance évidemment sincère. « Vous penserez peut-être, a-t-il dit, que j’exagère en déclarant que, sur le continent de l’Europe, nous n’avons pas d’hostilité à craindre. Il est hors de doute qu’une certaine aigreur de langage existe chez ceux qui fournissent des informations aux lecteurs de journaux dans les pays étrangers ; je puis toutefois dire avec grande confiance que je ne crois pas que ce langage affecte les peuples étrangers ; je suis, en tout cas, complètement certain qu’il n’affecte pas leurs gouvernemens. » Lord Salisbury se trompe sans doute sur le premier point : la voix de la presse, lorsqu’elle s’élève avec cette unanimité, peut être regardée comme celle des peuples eux-mêmes. Mais il a raison sur le second. La presse exprime en toute liberté les sentimens d’un pays, parce qu’elle n’engage personne, et qu’elle parle sans agir : il n’en est pas de même des gouvernemens, qui ne sauraient parler sans mettre plus ou moins leurs actes en rapport avec leur langage, et dont la responsabilité doit tenir compte de considérations d’un autre ordre. Cela ne veut pas dire que les gouvernemens ne sentent pas comme les peuples, ni avec la même vivacité ; mais une réserve plus grande s’impose à leurs démonstrations extérieures, parce qu’ils ne sont pas seulement chargés d’exprimer les sentimens des nations qu’ils représentent, mais encore, et surtout, de veiller à leurs intérêts. Nous avons déjà dit qu’avant de s’engager dans la guerre du Transvaal, l’Angleterre avait concédé quelque chose à chacune des grandes puissances dont la présence en Afrique aurait pu lui causer quelque embarras ou quelque inquiétude : elle s’est assuré par-là leur neutralité, et, que cette neutralité soit bienveillante ou non, peu lui importe, pourvu qu’elle soit effective.

Ses appréhensions devaient lui venir surtout du côté de l’Allemagne, dont les possessions à l’est et à l’ouest de l’Afrique ont déjà pris un développement considérable, et qui ne pouvait pas voir sans quelque mauvaise humeur ce développement menacé, sinon arrêté dans son évolution ultérieure. On sait comment l’Angleterre a calmé, pour le moment, les susceptibilités ou les ambitions germaniques ; et sans doute nous ne savons pas encore tout. L’avenir nous réserve peut-être d’autres révélations. Quoi qu’il en soit, la signature de la convention des Samoa, le discours de lord Salisbury, la visite faite par l’empereur de Russie à Potsdam, sont survenus à la fois, et il y a lieu de penser que ce n’est pas là le simple fait du hasard. Lord Salisbury, pour rassurer l’Angleterre au moment où l’empereur Nicolas allait passer plusieurs heures avec l’empereur Guillaume, a montré le