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bonne heure jalouse, malgré ses divisions intérieures et ses défaillances, du développement croissant de la France, ne pouvait, sans prendre ombrage, la voir assise sur les deux rives de la Meuse, n’ayant de là que quelques lieues à franchir pour menacer et interrompre, à l’heure et au point qui lui conviendraient, le libre parcours du Rhin. Enfin l’Angleterre, qui a longtemps eu peine à supporter patiemment les forces navales françaises en vue de ses côtes, même à Calais et à Dunkerque, pouvait encore moins se résigner à la retrouver à l’autre extrémité de l’étroit bras de mer qui la sépare du continent.

Le résultat de cette rivalité persistante des diverses puissances donnait à cette contrée, que le roi Louis-Philippe appelait, par une vive et juste expression, la pierre d’achoppement de l’Europe, une importance politique très disproportionnée avec son étendue et qu’aucun avantage naturel n’aurait suffisamment motivée. C’est un effet qu’on peut constater du temps même où les provinces réunies sous le nom de Pays-Bas étaient encore, suivant la coutume féodale, divisées en petites souverainetés différentes sous la suzeraineté nominale du Saint-Empire et s’accordaient assez mal ensemble. C’est alors, pour prendre parti dans ces divisions intestines et venir en aide à tel ou tel duc ou comte en péril, que des armées allemandes ou françaises accourent sous de légers prétextes, et en viennent aux mains dans des rencontres dont plus d’une est demeurée fameuse. Puis quand, par une suite de successions et d’alliances, toutes ces seigneuries tombent l’une après l’autre sous une seule main, le duché de Bourgogne, qui les réunit, doit une grandeur éphémère à la concurrence des prétendans anglais et français, qui recherchent tour à tour son appui, pendant les vicissitudes de notre guerre de Cent Ans.

Enfin vient le jour où ce magnifique lot est apporté en dot, par l’héritière des derniers ducs, à un fils de la maison d’Autriche, au moment même où la couronne d’Espagne lui arrive, par une autre voie, également en partage, et où la France se met en devoir de tenir tête à la prépondérance de ces nouveaux Césars. C’est le début de cette fameuse rivalité de France et d’Autriche, qui va remplir pendant deux siècles l’histoire de ses fortunes diverses. La lisière des Pays-Bas, devenue le point de contact des deux maisons souveraines qui se disputent la gloire et l’empire, est par-là même le poste avancé et le point le plus disputé de leur lutte. Envahies un jour, évacuées le lendemain, prises et reprises tour