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violemment imposée de tous les privilèges ecclésiastiques et nobiliaires. Ces résultats étaient déjà acquis et passés dans les mœurs quand l’Empire, par le Concordat et le code Napoléon, en leur donnant une application modérée et régulière, les avait confirmés et tout à fait naturalisés. L’état social issu de la révolution française était ainsi devenu cher à toute une partie de la classe éclairée qui, tout en gardant le respect de ses croyances héréditaires, voyait pourtant avec déplaisir tout ce qui pouvait paraître préparer le retour d’un régime passé dont, après trente ans écoulés, on n’aimait à se rappeler que les abus. On sait combien ce seul nom d’ancien régime et la terreur chimérique de le voir reparaître rendaient, à ce moment même, la tâche de notre monarchie restaurée difficile, et une épreuve toute récente a fait voir crue ce fantôme évoqué par l’esprit de parti n’avait pas encore perdu toute action sur l’imagination populaire.

Il n’est donc pas étonnant que le même sentiment existât en Belgique, au moins dans les régions les plus rapprochées de la France ; et il avait suffi que l’épiscopat belge eût laissé quelquefois apercevoir le regret d’un temps où l’Eglise avait tenu une place qu’on ne voulait pas lui laisser reconquérir, pour mettre en éveil nombre d’esprits inquiets, prompts à signaler le danger de ce que nous appelons aujourd’hui les influences cléricales. Ceux-là étaient disposés à faire un mérite au roi Guillaume de sa résolution à mettre, même un peu rudement, les prétentions de l’Eglise à la raison. Ils faisaient volontiers une comparaison à son avantage avec la famille royale de France, que toute une presse irréligieuse représentait alors comme asservie à la congrégation et au parti prêtre. Il en était même peut-être quelques-uns qui lui savaient gré de sa qualité d’hérétique, comme d’une garantie qui empêchait de le soupçonner de pareille faiblesse. Ainsi se formait, en face des catholiques militans, un parti animé de dispositions contraires, qui s’intitulait lui-même libéral, sans doute parce que, par une confusion d’idées que nous voyons encore faire de nos jours, ils pensaient que la liberté n’avait pas d’intérêt plus pressant que de se préserver de la domination ecclésiastique.

L’appui de ces libéraux, ou soi-disant tels, avait été plus d’une fois utile au roi Guillaume pour former sur le terrain électoral un appoint qui, uni à la masse unanime des suffrages protestans de Hollande, pouvait lui assurer dans les États Généraux, représentation commune de toutes les provinces, une majorité à sa