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surprirent, le roi éprouva bien quelques instans d’hésitation, et un petit nombre de concessions lui furent arrachées par des conseillers prudens. L’assistance au collège philosophique, d’obligatoire fut rendue facultative, et un projet de loi promit quelques adoucissemens au traitement rigoureux de la presse. Mais ces offres de conciliation, en elles-mêmes très insuffisantes, eurent pour effet d’enflammer plutôt que de calmer la résistance, car les bonnes paroles données un jour étaient retirées le lendemain et l’impétuosité naturelle du tempérament royal, un instant comprimé, reprenait violemment le dessus. Finalement, le prince finit par se mettre en avant de sa personne, dans un message adressé aux Chambres, où il traitait de chimériques tous les griefs des pétitionnaires et menaçait du châtiment des factieux tous ceux qui troublaient ainsi la paix publique. Il tint parole, car, après plus de trente procès de presse intentés en un mois, on finit par trouver dans les écrits de deux membres importans du parti libéral des griefs suffisans pour construire contre eux une accusation de haute trahison et les traîner devant une cour de justice tenue à la Haye, qui leur infligea huit années de bannissement. L’irrita-lion fut alors au comble, et les condamnés, indemnisés de tous les frais et de toutes les amendes par des souscriptions largement couvertes, prirent le chemin de l’exil, précédés et suivis de lieu en lieu par des ovations populaires.

L’air retentissait encore de ces acclamations, et on sentait dans le sol ce frémissement qui annonce les grandes secousses, quand une nouvelle, venue de France, éclata comme la foudre. Une grande révolution s’était opérée à Paris : en trois jours, tout le déploiement des forces royales avait dû céder devant l’insurrection populaire ; le monarque était proscrit et un nouveau règne était proclamé. Ce fut d’abord un effet de surprise, presque de stupeur, car, bien que les deux pays voisins eussent été, pendant cet hiver de 1830, engagés dans des courans d’opposition d’une vivacité égale, et dont les manifestations extérieures avaient plus d’une ressemblance, il ne paraît y avoir eu encore à ce moment, entre ceux qui dirigeaient le mouvement à Bruxelles et à Paris, ni relations régulières, ni action combinée. Une différence capitale les séparait et les empêchait de se confondre : le terrain de leur lutte contre la royauté n’était pas le même. En Belgique, l’Eglise catholique avait pris l’initiative et gardait la tête de la résistance ; en France, au contraire, pour être entrée dans une