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service de la Compagnie (1800-1814). Il savait à fond l’anglais, l’arabe, le persan, les dialectes populaires et le sanscrit : ses travaux de linguistique obtiennent encore le respect de nos orientalistes modernes. Retiré du service et fixé à Calcutta en 1814, il y fonda une société pour la prédication et la propagande des doctrines panthéistiques contenues dans les Oupanichads. Toujours sur la brèche, on le voit discutant avec les chrétiens comme avec les Hindous, parlant et écrivant, multipliant les brochures et les conférences, imprimant un journal en bengali, coopérant à l’établissement du collège hindou de Calcutta, attaquant tous les abus à la fois, la polygamie, le suicide des veuves, et trouvant encore le temps, dans cette universelle et infatigable activité, dans cette existence qui était un combat de tous les jours, d’écrire des traités de géographie et de grammaire.

En janvier 1830, il louait à Calcutta un appartement où chaque samedi les membres de la Brahma Samaj s’assemblaient pour prier. Le service, très simple, se composait d’une lecture des Vedas, d’un sermon et du chant des hymnes. La doctrine professée par la Brahma Samaj, c’était le christianisme unitarien sous une forme orientale. Rammohun Roy était tellement d’accord avec l’Unitarisme anglais qu’il convertit, dit-on, à cette croyance un missionnaire baptiste.

La Brahma Samaj était encore dans sa nouveauté première lorsque Rammohun Roy fit un voyage en Europe. Il y parut comme envoyé du Grand-Mogol qui l’avait revêtu du titre de rajah, et il obtint du parlement l’abolition définitive du Sati (suicide des veuves par le feu). Mais il ne devait pas revoir son pays, et les os de ce grand serviteur de l’Inde reposent loin d’elle, dans un cimetière voisin de Bristol.

La Brahma Samaj sembla frappée de mort avec son chef. Elle ne comptait plus que 83 membres lorsque Davendra Nath Tagora la ressuscita en la rapprochant plus encore du déisme rationaliste et en la séparant de plus en plus de l’Hindouisme. Rammohun Roy s’était tenu fidèle aux Védas, interprétés dans le sens monothéiste ; son successeur admit les Védas comme « une lecture édifiante » mais se refusa à y voir « des livres sacrés, à l’égal de la Bible et du Coran. » Les jeunes anglophiles de cette génération témoignaient en mille façons, qui n’étaient pas toutes de bon goût, leur mépris pour les vieilleries védiques. Il ne leur suffisait pas de manger du bœuf pour narguer la religion, ils