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définition. C’est le journaliste qui est de nos jours l’orateur, et l’on voit bien ce que l’éloquence a perdu à cette transformation, mais ce que la littérature y a gagné, c’est une autre question. Nous nous félicitons de n’avoir pas à la traiter ici.


III.
L’ORIENTATION DES TENDANCES

De ces indications sommaires, et surtout incomplètes, pouvons-nous maintenant dégager quelques vues d’avenir, sans nous donner le ridicule de prophétiser ? « Il faut désormais avoir l’esprit européen, » écrivait Mme de Staël, voici tantôt cent ans : elle dirait aujourd’hui qu’il faut l’avoir « mondial. » Si ce n’était sans doute qu’un rêve, est-il à la veille de se réaliser, et souhaiterons-nous qu’il se réalise ? Toute considération d’un autre ordre mise à part, souhaiterons-nous que la « littérature, » dans son intérêt même, dans l’intérêt de son développement, tâche à se dépouiller de ce qu’elle a encore de français en France, d’anglais en Angleterre ? et, au cours du siècle qui s’achève, quels progrès a-t-elle faits dans ce sens ?

On pourrait presque nier qu’elle en ait fait aucun, si le même siècle qui semble, à de certains égards, avoir été le siècle du cosmopolitisme, aura été aussi le siècle des nationalités. Je ne parle toujours, on l’entend bien, qu’au point de vue de la « littérature. » Le romantisme, — en tant que réaction contre le classicisme et l’humanisme de la renaissance italienne, — s’est caractérisé, en Angleterre et en Allemagne, plus particulièrement, comme un retour au moyen âge, et, par-delà le moyen âge, aux origines, ou du moins à ce que l’on croyait les plus lointaines origines de la race : il suffit, à ce propos, de rappeler le succès des Anciennes Ballades de Percy ; celui de l’Ossian de Macpherson ; et ce que l’on pourrait appeler la renaissance des Nibelungen. Les érudits sont venus ensuite, un Jacob Grimm ou un Karl Immermann, qui, parmi cette recherche ou cette curiosité des origines, ont essayé de définir en soi la « mentalité » germanique ou anglo-saxonne, et, naturellement, pour la définir, n’en ont retenu que les traits les plus originaux. Les nôtres, de leur côté, faisaient le même travail. Mais, érudits ou critiques, ils étaient plus embarrassés. Car, pour des Anglais, sacrifier Congreve et Wycherley, Pope et Dryden,