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fort agréable. Comme je prenais des bains fort exactement, je n’tii fait aucune excursion. Il y en avait cependant deux qui en valaient la peine : Bristol, que j’espère bien que vous aurez vu, et Langleat, très beau château appartenant au marquis de Bath. Mais, vous en parler actuellement, c’est moutarde après dîner. »

Un peu plus tard, à la suite d’un malveillant article de la Gazette de France, qu’on soupçonnait un ami du cabinet d’avoir inspiré, le roi écrivait, prenant résolument parti pour Decazes :

« Souvent, je lis les papiers un peu précipitamment. L’article de la gazette dont vous me parlez m’a échappé. Mais, il n’en a pas été de même, il y a deux ou trois jours. J’en ai parlé à qui de droit dans le langage que dictaient mon cœur, ma raison, voire ma volonté. J’espère que pareil scandale n’aura plus lieu. Pour le Clausel, s’il est question d’un libelle, je ne puis en répondre. Mais s’il s’agit d’une dénonciation, je crois que vos correspondans sont dans l’erreur. J’en ai parlé à M. de Villèle et il m’a dit qu’il ne croyait pas celui-ci assez fou pour cela, mais qu’en tous cas, si lui ou quelque écervelé de l’extrême droite ou quelque libéral levait un pareil lièvre, une immense majorité l’écraserait à l’instant. J’ai répondu que, si je ne consultais que mon sentiment, j’aimerais mieux, ainsi que vous, que l’affaire fût liquidée, mais que nous sentions tous deux l’avantage d’éviter un grand scandale. De là, j’ai profité de l’occasion pour assurer mon pavillon et lui montrant l’estampe[1], je lui ai peint comme elles sont gravées dans mon âme, mon estime et mon amitié pour l’original, ce que, ai-je ajouté, je vous dis d’autant plus librement, que, quoique n’ayant pas tiré sur la même corde, je suis certain que vous vous êtes toujours estimés tous les deux. Je ne me rappelle pas assez ses expressions pour les rapporter. Mais, j’ai été fort content des paroles et de l’air. Ai-je bien fait, mon maître ? »

De telles lettres étaient bien faites pour rendre confiance à Decazes contre ses ennemis, et le faire douter de leur pouvoir sur l’esprit du roi. Vers le même temps, il en reçut une de Richelieu qui acheva de calmer ses colères, tant elle était cordiale, affectueuse, digne en tout du loyal ministre qui l’avait signée. Peut-être alors se fût-il apaisé et rassuré si, par les avis qu’il recevait d’ailleurs, il n’eût constaté les rapides progrès de l’influence de la droite, due surtout à la condescendance des ministres pour les

  1. Le portrait de Decazes qui était dans son cabinet.