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en Angleterre, qui jusqu’alors agissaient en corps indépendans, viennent de fonder à leur tour une Fédération générale du Travail, à la suite de la grande grève des mécaniciens et du lock out de la fédération des patrons, dont les effets furent désastreux pour les ouvriers. Les Unions se sentirent toutes menacées et résolurent de s’unir par un lien fédéral. Un congrès spécial s’est réuni à Manchester en janvier 1899, afin de constituer cet organe de concentration et d’action unifiée, mais avec l’esprit le plus pratique. Point de plans gigantesques, comme en France, pour anéantir les patrons, chasser des usines les directeurs. La tactique est essentiellement défensive. Il s’agit de réunir des ressources financières considérables, et d’en laisser la disposition à des chefs responsables, sans hostilité bornée contre les employeurs, à des chefs investis d’une autorité suffisante pour entrer en pourparlers soit avec la fédération des patrons, soit avec des patrons individuellement. On épuisera tous les moyens de conciliation avant de déclarer une grève. Si elle parvient à fonctionner, la Labour federation fortifiera les Unions de métiers, tant par son prestige moral que par ses ressources pécuniaires.

C’est en Danemark que l’organisation des forces ouvrières et patronales atteint le plus haut degré de perfection et où se trouve réalisée la tendance à la concentration que nous venons de signaler en France et en Angleterre.

L’organisation syndicale, les régimens isolés, ne suffisaient donc pas aux ouvriers pour défendre leurs intérêts. La concentration des industries et les alliances des employeurs les portaient à se fédérer partout où la loi le leur permet. Des armées tendent à se substituer aux corps isolés et dispersés. Aux escarmouches, aux engagemens partiels, succède la grande guerre.


II. — LA GUERRE INDUSTRIELLE

Un caractère très marqué des grèves dans ces dernières années, grèves qui coïncident avec l’extension et l’activité croissante de la grande industrie, c’est la tendance à se généraliser, soit par le fait des ouvriers, soit par le fait des patrons.

Lorsqu’une grève surgit dans une corporation, elle entraîne les corporations voisines. A la solidarité individuelle entre ouvriers s’ajoute la solidarité entre les syndicats et entre les ouvriers des corporations diverses. Quand les menuisiers de Genève se