Page:Revue des Deux Mondes - 1899 - tome 156.djvu/885

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
881
CÔTES ET PORTS FRANÇAIS DE L’OCÉAN

brèches de plus de 80 mètres, et finit par en avoir raison. On fut encore obligé de battre en retraite, et on se retira définitivement sur la terre ferme, où on établit une dernière digue de défense, au-dessus du niveau des plus hautes mers, que l’on protégea par un plan incliné de sable, sorte de plage artificielle où ne pouvaient arriver que les eaux mourantes des vagues déjà brisées et à peu près inoffensives.

On était d’ailleurs revenu, depuis quelque temps, à l’idée première de Vauban, qui était de fermer à peu près la rade en enracinant de grandes jetées prolongeant les promontoires du Socoa et de Sainte-Barbe. Le calme revint peu à peu. On compléta même le programme de l’illustre ingénieur par la construction, sur les rochers d’Artha, d’une troisième jetée, isolée en pleine rade et dans le prolongement des deux premières. L’ouverture de la baie, qui était autrefois de 1 500 mètres, a été ainsi réduite à deux passes de 150 et de 350 mètres, et les grandes vagues n’y pénètrent plus. Tous ces travaux sont aujourd’hui terminés ; ils n’ont pas coûté moins d’une dizaine de millions ; mais Saint-Jean-de-Luz est sauvé[1]. La ville est sans doute décimée, le port presque abandonné, le commerce à peu près nul. C’est à peine si 200 matelots y arment pour la poche restreinte du thon et de la sardine ; ce n’est plus l’horizon des grandes navigations des Basques d’aventures, à la recherche de la baleine et du hareng dans les mers inconnues. En revanche, la magnifique rade est très bien protégée par des digues qui paraissent devoir résister longtemps à toutes les fureurs de l’Océan ; elle offre une assez bonne relâche aux bateaux surpris par les tempêtes du large ou qui sont arrêtés temporairement par la barre de l’Adour. Chaque année, plus de 100 navires, jaugeant ensemble 30 000 tonneaux, y trouvent un abri, et bien des vies humaines le salut. Les énormes dépenses se trouvent donc ainsi justifiées.

IV

On n’a pas été moins prodigue de millions à Biarritz, mais par des considérations d’un ordre un peu moins élevé. Il ne fallut rien moins que la puissance et la persistance de l’impératrice Eugénie pour transformer, après un oubli de deux siècles,

  1. Fr. de Saint-Maur, Le passé et l’avenir de Saint-Jean-de-Luz, 1858 ; Bouquet de la Grye, Étude de la baie de Saint-Jean-de-Luz, 1873.