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jalonnent seulement la côte ; des phares et des fanaux la signalent pendant la nuit aux vaisseaux qui passent au large dans le golfe ou aux barques de pêche qui s’en approchent un peu trop, dans leurs va-et-vient du grand Océan à la petite mer d’Arcachon. Point de villages, point de maisons, rien qui rappelle l’existence de l’homme ; une solitude absolue.

Une chaîne continue de dunes, d’un contour uniforme et d’une hauteur très variable, — quelques-unes, en petit nombre, atteignant et dépassant même 80 mètres, — court parallèlement à la plage, laissant à l’estran une largeur à peu près constante sur un développement indéfini. Cette chaîne de taupinières géantes forme la limite de la mer et du continent, dont elle masque la vue. Ce continent lui-même était hier encore un désert ; ancien lit de l’Océan à l’origine de notre époque géologique, devenu depuis une grande steppe frangée de larges fondrières et de bas-fonds marécageux, il n’a présenté pendant longtemps qu’une succession interminable de lagunes vaseuses et malsaines, de maquis incultes, de terrains vagues, tristes et silencieux ; il est à peine, depuis quelques années, envoie de lente transformation agricole : c’est la région des Landes.

Les Landes forment un grand plateau triangulaire dont les limites extrêmes sont la mer à l’Ouest, au Nord et au Sud les vallées de la Garonne et de l’Adour, et dont la superficie est de 80 000 kilomètres carrés, environ 800 000 hectares[1]. Tous les ingénieurs, tous les agronomes connaissent depuis longtemps l’ingrate composition du sol et du sous-sol des Landes, immense plaine rase, nue et nivelée comme la grande crau de Provence, et dont la faible pente, quoique inclinée d’une manière générale vers la mer, assure assez mal l’écoulement régulier des eaux. Tout à la surface, une couche uniforme de sable presque pur, fin, siliceux, dépourvu d’argile et de calcaire, mélangé de débris de racines et de ronces, et d’une épaisseur variant de 0m, 40 à 0m, 60. Puis vient une strate de tuf rougeâtre ayant la couleur de la rouille, d’une extrême dureté, formée de sable agglutiné par des sucs végétaux sous l’action des eaux de pluie, sorte de ciment organique tout à fait imperméable, désigné sous le nom d’altos, d’une épaisseur de 0m, 20 à 0m, 30 en moyenne ; c’est un véritable pavé souterrain qui arrête toutes les infiltrations provenant de la couche supé-

  1. Chambrelent, les Landes de Gascogne, leur assainissement, leur mise en culture, exploitation et débouché de leurs produits, Paris, 1887.