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Audenge, Certes, Lanton, Biget, Taussat, Andernos, Arès, tous les mêmes avec leur petite cale, leur darse, leur estacade en charpente et surtout leurs réservoirs à huîtres et à poissons[1]. Tous ces ports datent à peine de trois quarts de siècle ; mais l’excellente situation hydrographique du grand bassin remonte aux âges les plus reculés ; et, sauf les variations de la passe que l’avancement du cap Ferret a rejetée de 15 à 20 kilomètres au Sud, les mouillages à l’intérieur de la baie devaient être, dans les temps anciens, à peu près les mêmes que ceux de nos jours. Les rades de Moulleau et d’Eyrac n’ont pas moins de 8 mètres de profondeur en basses mers ; la première a une longueur de plus de 4 kilomètres, la seconde près de moitié, toutes deux une largeur moyenne de 500 mètres. Le seuil d’entrée lui-même est toujours recouvert d’une tranche d’eau de plus de 7 mètres. La communication constante du grand bassin avec la mer est donc toujours assurée. La Leyre contribue sans doute à l’alimentation régulière du bassin ; mais le maintien de la passe est dû surtout aux courans alternatifs qui s’y produisent avec le flot et le jusant. Les ingénieurs évaluent à près de 340 millions de mètres cubes la masse liquide qui pénètre dans la baie d’Arcachon à chaque marée moyenne. La durée du flot étant de six heures, c’est donc à peu près 15 000 ou 16 000 mètres cubes d’eau à la seconde qui entrent ou sortent régulièrement quatre fois par jour, représentant à peu près le débit du Rhône au moment de ses plus grandes inondations. Voilà la vraie cause qui entretient la coupure de ce petit Zuiderzée français. Elle pourra sans doute se déplacer comme elle l’a fait plusieurs fois, tantôt vers le Nord, tantôt vers le Sud ; mais il est probable qu’elle existera toujours. Tous les anciens golfes qui festonnaient jadis le littoral des Landes se sont fermés et transformés en lagunes mortes. Celui d’Arcachon est le seul qui soit resté une lagune vive, et rien ne fait prévoir que cette situation doive jamais se modifier.

Charles Lenthéric.
  1. Clavel. Bassin d’Arcachon, Ports maritimes de la France, op. cit.