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pénibles efforts de l’auteur pour les alléger. On erre lamentablement, d’un nom à l’autre, sans jamais pouvoir deviner les noms que va amener ensuite le hasard des dates : et à chaque nom nouveau, on voit M. Meyer s’ingénier à trouver quelque transition imprévue, établissant un lien fictif entre des œuvres sans rapport entre elles.

Ainsi se trouvent perdues, par la faute d’une mauvaise méthode, de très précieuses qualités d’érudition et de jugement critique. Une encyclopédie, où M. Meyer aurait rangé les noms par ordre alphabétique, nous aurait mieux permis que cette énorme Histoire de nous représenter la marche de la littérature allemande à travers le siècle. Nous aurions pu, du moins, essayer nous-mêmes de reconstituer l’enchaînement des faits, sans être gênés dans ce travail par un auteur qui prétend respecter l’ordre des dates, alors qu’en réalité il n’en tient nul compte. Et tandis que le livre de M. Meyer aurait pu être pour nous d’un extrême intérêt, en nous faisant connaître dans son ensemble une littérature que, précisément, nous ne connaissons que d’une manière toute fragmentaire, — en nous renseignant sur les origines et les conséquences d’œuvres comme celles de Heine, de Wagner, ou de Nietzsche, — la seule utilité qu’il nous offre aujourd’hui est de nous renseigner encore sur certains autres fragmens de cette littérature, sans que nous soyons plus à même qu’hier d’en apprécier l’ensemble.


Un lecteur étranger pourrait cependant, je crois, déduire de cet énorme livre certaines conclusions générales assez instructives. Il y verrait, d’abord, combien sont restées fortes en Allemagne les passions religieuses, ou, pour mieux dire, combien elles sont restées fortes chez les écrivains allemands. C’est de quoi déjà un curieux exemple nous a été fourni, il y a quelques mois, par ces fêtes du cent cinquantième anniversaire de la naissance de Goethe, qui ont servi de prétexte à de violentes ou sournoises manifestations anticléricales. Mais plus frappant encore est l’exemple que nous fournit l’ouvrage de M. Meyer. Car celui-ci fait profession d’être impartial, et l’on sent que très sincèrement il s’efforce de l’être. Il s’y efforce, mais n’y parvient pas. Dès qu’il rencontre sur son chemin un pamphlétaire de l’école « libérale, » il ne peut s’empêcher de saluer en lui un bienfaiteur de l’humanité. A côté du poète Théodore Kœrner, mort pour sa patrie, il place le journaliste Louis Bœrne, qui a « lutté contre les puissans. » Il consacre à ce héros de l’anticléricalisme deux pages enthousiastes, et c’est à peine s’il daigne mentionner en cinq lignes méprisantes l’écrivain catholique Joseph Gœrres, sauf à reconnaître, sept cents pages