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Transvaal (ils sont au nombre de 250), c’est une invasion des maladies syphilitiques, qui règnent à un degré vraiment inquiétant dans l’armée anglaise des Indes. Lord George Hamilton, à la Chambre des communes, le 25 janvier 1897, est allé lui-même jusqu’à dire : « Le nombre total des admissions à l’hôpital pour cause d’affections vénériennes, parmi les troupes de l’Inde, s’est élevé, en 1895, à 522 pour 1 000, et le nombre des hommes hors de service, à la suite de ces maladies, à 46 pour 1 000 par jour. » Les médecins du Transvaal en sont avertis, et c’est pourquoi la peste à Lourenço-Marquez les laisse indifférons, mais ils redoutent plus que tout l’infection vénérienne qu’apportent avec elles les troupes des Indes. Qu’en pensent les moralistes de Londres ? Est-ce que les Boers ont si grand tort, quand ils refusent d’accepter, autrement que sous bénéfice d’inventaire, la civilisation que les Anglais promettent à l’Afrique du Sud ?


X

Comment donc résoudre cette énigme ? Car, on vérité, c’est jouer aux rébus que de mettre à la charge de la glorieuse nation que, pendant tout ce siècle, on avait crue libérale et progressive entre toutes, le crime de cette guerre absolument inique, guerre de rapine et de conquête, et qui ne se recouvre que de futilités. Cette nation, sous plusieurs rapports, selon moi, il n’y en a pas d’autre qui la surpasse. Si je n’étais Hollandais, je voudrais être de ses fils. Sa véracité ordinaire est au-dessus de tout soupçon. Le sentiment du devoir et du droit lui est inné. Ses institutions constitutionnelles ont été l’objet d’une imitation universelle. Nulle part vous ne trouverez le self respect plus largement développé. Sa littérature, quoique inférieure au point de vue artistique, brille par une conception de la vie à la fois sérieuse, saine, et profonde. Même dans la coupe de ses modes et dans le soin du corps, elle sait observer un caractère de dignité qui impose le respect. Sa philanthropie ne connaît pas de bornes, sa moralité est au-dessus de la moyenne, et, pour tout ce qui est du domaine religieux, elle marche à la tête de tous les autres peuples. Comment donc se fait-il qu’une telle nation en soit venue à une telle chute ?

Le mot de cette énigme est dans le charme magique de l’Impérialisme, pris au sens national, et foncièrement différent de l’Impérialisme personnel d’un Alexandre le Grand ou d’un