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qu’on se procurait principalement aux environs du cap Bojador.

Chacune de ces variétés avait ses caractères propres ; les animaux qui les fournissaient appartenaient à des familles différentes. Les plumes de Syrie passaient pour les plus belles : très longues, fines, soyeuses, d’une parfaite élégance de forme. Celles d’Egypte et de Barbarie, remarquables par leur souplesse et l’éclat de leurs couleurs, tenaient le second rang. Beaucoup moins prisées étaient les plumes du Cap, au duvet grêle et maigre ; quant à celles du Yémen, courtes, peu fournies, mal construites, on les considérait comme de mince valeur.

On n’estimait guère alors que les plumes blanches et noires ; les blanches surtout, qui se trouvent seulement sur l’oiseau mâle, dont elles ornent les ailes et la queue. Fort rares par conséquent, celles-là se vendaient extrêmement cher. Les plumes grises, au contraire, qui garnissent les autres parties du corps chez le mâle et le corps entier de la femelle, étaient si peu appréciées que souvent les chasseurs ne se donnaient pas la peine de les recueillir. Des foires d’Alep, des comptoirs du Caire, de Tunis ou de Tanger, ces marchandises étaient dirigées sur Vienne et Livourne. Plus tard, un troisième marché s’établit à Londres pour la plume du Cap. Bien que la France ne reçût directement que les envois insignifians du Sénégal, c’était pourtant chez elle, en dernière analyse, que venaient se déverser tous les autres arrivages, parce que ses ouvriers savaient, seuls, manipuler la plume brute.

Brute ou travaillée, les négocians européens avaient commencé, vers 1830, à ne plus pouvoir l’acquérir avec la même facilité qu’autrefois. Elle se raréfiait d’année en année : les belles plumes valaient une cinquantaine de francs, on en offrait dans les corbeilles de mariage. Le renchérissement fut tel que ces produits semblaient destinés à ne trouver bientôt plus que peu d’acheteurs. Les chasses, depuis trois ou quatre siècles, avaient détruit tant d’animaux que l’autruche, redescendue d’abord du nord de l’Afrique au Soudan, émigrée ensuite au sud, y était très difficile à capturer, dans les immenses plaines de la région du Cap. En Arabie et dans l’Iran, les mêmes causes avaient produit les mêmes effets. Malgré la prodigieuse fécondité de l’animal, on pouvait craindre qu’il ne devînt un jour introuvable.

Nul n’ignorait que les anciens étaient parvenus à domestiquer l’autruche ; que, de nos jours, les tribus de Nubie et surtout les Boers du Transvaal et d’Orange, au lieu de tuer les animaux