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momentanément éclopés sont-elles constamment prêtes à fonctionner. Il ne faut pas oublier que l’ouvrier, toujours payé à la « pièce » et toujours mis en face du même métier, perd son temps, et voit se dissiper son gain en cas d’accident.

Après la confection du bas, la première opération est le « nouage, » qui consiste à rassembler les deux moitiés des talons et ajuster les « pointes. » Cette opération, naguère pratiquée à la main, est réalisée aujourd’hui par des ouvrières opérant avec une machine ad hoc et exige une certaine élégance d’exécution combinée avec une solidité irréprochable. On replie ensuite les deux flancs opposés du bas qui sont réunis par la « couture » longitudinale que l’on distingue par derrière. Cette fois la besogne exige la main d’une femme exercée dans la profession.

Tissés, et quelquefois ajourés, souvent brodés, toujours noués et cousus, soit à la fabrique, soit au dehors, les bas, quel que soit leur lieu d’origine, arrivent enfin dans l’atelier du remaillage et du formage, qui offre l’aspect d’un grand arrière-magasin de modiste. Chaque article subit une révision sévère, une réparation s’il y a lieu ; les mailles « coulées » sont « remontées ; » après quoi le bas est chaussé sur une forme en bois analogue aux jambes peintes qu’on voyait vaciller autrefois devant les boutiques de bonnetiers, au temps où florissait Jérôme Paturot, puis il est chauffé dans des conditions que nous n’avons pas à expliquer. Enfin la « plieuse » range méthodiquement les bas qui sont classés par douzaines dans les cartons d’expédition.

Le bureau de distribution et de comptabilité est contigu au local précédent. Il délivre aux ouvriers du dehors la soie en écheveaux destinée à être tricotée et reçoit le bas absolument terminé, prêt à chausser la cliente (nous négligeons le « remaillage » et le « formage). » Un contrôle très exact permet toujours de retrouver l’auteur, homme ou femme, de tel ou tel travail dans telle ou telle paire[1].

La plupart des bas que nous voyons plier dans les cartons sont marqués A. B. Cela veut dire tout simplement que la maison L…

  1. Un Français du Nord trouverait plus qu’étranges les prénoms des ouvrières inscrites sur les boîtes ou registres. La raison en est bien simple : chez les paysans du Languedoc, la fille aînée, en pratique, n’est jamais appelée par son nom de baptême mais par son nom de famille féminisé. Ainsi la fille du sieur Caizergues, nom assez commun dans le pays, s’appellera « Caizerguette, » et ainsi de suite, à peu près comme chez les Romains on nommait Claudia ou Agrippina la fille d’un Claudius ou d’un Agrippa.