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dans quelque autre liquide ; et, d’autre part, comme il n’y a pas de liquide qui ne soit susceptible de se congeler, c’est-à-dire de se solidifier si l’on abaisse convenablement sa température, il en résulte que le domaine de la Cryoscopie est très étendu. Les corps mêmes que quelque circonstance empêche de soumettre à l’observation directe n’échappent pas aux lois qu’on en a déduites. Il s’agit donc d’un ordre de faits très général.

Le mot de Cryoscopie signifie littéralement « examen de la glace ». Il a été employé pour la première fois par M. Raoult dans une communication à l’Académie des sciences, du 25 juin 1885. Ce savant n’a pas créé seulement le mot, mais la chose ; depuis vingt ans il n’a cessé d’étendre et d’approfondir ce genre d’études avec un soin, une patience, une ingéniosité et un bonheur remarquables. M. Raoult, qui est doyen de la Faculté de Grenoble, est un vivant exemple de la valeur de nos Universités provinciales ; il a montré que les découvertes et les travaux importans ne sortent pas toujours des Laboratoires parisiens. L’Académie des sciences lui a décerné les plus hautes récompenses dont elle dispose, et en particulier, en 1885, le prix biennal. Ses travaux font autorité dans tout le monde savant.

Un corps dissous dans un liquide, par exemple dans l’eau ; la solution soumise à l’action du froid et se congelant ; la détermination précise de ce point de congélation au moyen d’un thermomètre perfectionné : voilà tout l’objet de la cryoscopie — et, il semble, au premier abord, que ce soit là un objet bien particulier et bien mince. Ce serait une erreur de le croire. L’étude est. au contraire, riche en conséquences. Il se trouve que la température de congélation est liée, par un lien étroit, aux circonstances les plus cachées et les plus intimes de la constitution des corps. La simple lecture du thermomètre fournit, par voie de conséquence, les indications les plus pénétrantes sur l’état de la matière à l’état de dissolution. Elle permet de connaître le nombre des particules physiques, des molécules, qui existent dans un volume donné. En un mot, ce qui fait le prix du résultat cryoscopique, c’est qu’il renseigne sur la concentration moléculaire des corps en dissolution.


I

C’est un fait d’observation vulgaire que l’eau qui tient en dissolution des matières étrangères, des sels par exemple, se congèle plus