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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.



28 février.


La quinzaine qui vient de s’écouler n’a pas été fertile en événemens importans, du moins à l’intérieur. On n’y trouverait presque rien à signaler, si la Haute Cour n’avait pas eu à se réunir une fois de plus pour purger le territoire de la présence d’un homme que le ministère jugeait infiniment dangereux pour la République, M. Marcel Habert. Ceux qui ont connu autrefois M. Marcel Habert ont peine à croire qu’il soit devenu si redoutable, rien qu’en se frottant à M. Déroulède : il s’agite assurément beaucoup, mais cela ne suffit pas pour agiter les autres, et, en fait, son intervention personnelle dans nos affaires était passée plutôt inaperçue. Le jour des obsèques de M. Félix Faure, il s’est trouvé avec M. Déroulède sur la place de la Nation, mais ce n’est pas lui qui a arrêté par la bride le cheval d’un général, ni qui a cherché à le mettre sur le chemin de l’Élysée : son rôle parait s’être réduit à peu de chose, sinon même à rien du tout. Traduit devant la Cour d’assises de la Seine avec M. Déroulède, M. Marcel Habert avait été acquitté comme lui. Pour tous ces motifs, on croyait que la Haute Cour l’acquitterait aussi. Mais on le croyait encore et surtout pour un motif d’ordre plus général, à savoir que cette affaire a assez duré et que, par un temps où il y a déjà de l’amnistie dans l’air, il ne semblait pas très à propos pour la Haute Cour d’augmenter sans nécessité le nombre des condamnés. Elle aurait répondu à un sentiment à peu près universel en mettant en liberté M. Marcel Habert ; elle a préféré s’acharner sur lui avec une sévérité intempestive, dont personne, pas même le gouvernement, ne lui saura gré, car, au fond, elle est gênante comme un excès de zèle et une maladresse.

Au seuil de ce procès, in limine litis, se dressait une question, celle de savoir par qui devait être jugé M. Marcel Habert, accusé de complot et d’attentat. La réponse, en principe, n’était pas douteuse : le juge, c’est le Sénat. Et qu’est-ce que le Sénat ? C’est une de nos deux assemblées législatives : la définition vient de la Constitution elle-même.