Page:Revue des Deux Mondes - 1900 - tome 158.djvu/282

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

où l’honneur même du drapeau est follement engagé !… Certes, si pareille aberration eût pénétré, à un moment quelconque, l’esprit des ministres responsables de la mission Marchand, il n’y aurait point pour eux de sévérité suffisante dans les jugemens de l’histoire. Mais, outre qu’en février 1890, les Anglais étaient fort loin encore d’Omdurman et de Khartoum, voire même de Dongola, il est aisé de démontrer qu’à cette époque comme durant tout le cours de la mission, la perspective d’une lutte armée, fût-ce avec les derviches, était résolument écartée du programme assigné à M. Marchand. Témoin cet extrait des instructions initiales :

« Au mois de septembre dernier, vous avez soumis à mon prédécesseur le plan d’une mission que vous vous offriez à remplir dans le Haut-Oubanghi en vue d’étendre l’influence française jusqu’au Nil… Elle devait, dans votre pensée, remonter de Bali et, parvenue au Bahr-el-Haur, gagner de là le Bahr-el-GhazaI, puis atteindre le Nil-Blanc à Fachoda. Pendant cette marche à travers des pays à peu près inconnus encore, vous comptiez réussir à nouer, avec les bandes mahdistes qui tiennent le pays, des relations d’amitié ; grâce à cet appui, vous espériez parvenir sans encombre au terme de votre voyage, et créer à la France des titres indiscutables, pour le jour où serait fixé le sort de ces provinces. Il était bien entendu, d’ailleurs, que, laissant derrière vous la plus grande partie de vos forces, vous n’avanceriez au milieu des mahdistes qu’avec une troupe trop peu nombreuse pour les inquiéter, décidé à vous replier immédiatement si la mission rencontrait une hostilité marquée sur un point quelconque de sa route ; il était, en effet, dans votre projet d’éviter à tout prix un conflit et de n’agir que par les voies pacifiques… M. Liotard a fait connaître que nous étions, au mois d’août dernier, établis beaucoup plus solidement que ne pouvait le penser le pouvoir central sur la rive droite du M’Bormou… et qu’il avait l’intention de pousser en avant ses alliés indigènes, qui lui offraient de nous installer à Ziber, qui est la clef du Bahr-el-Ghazal… Alors que vous pensiez ne trouver sur les rives du M’Bormou que des populations indifférentes à notre action, hostiles même peut-être, nous y voyons des indigènes avec lesquels nous avons noué des relations d’amitié. Bien plus, vous comptiez vous appuyer exclusivement sur les mahdistes, et ces mêmes mahdistes sont les adversaires déclarés des chefs qui nous ont promis leur concours… Votre rôle sera