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haine les Européens de toutes origines et annonçaient l’intention de massacrer quiconque d’entre eux s’approcherait de leurs parages[1]. Ces renseignemens transmis « par la voie rapide » à M. Marchand, à la fin de décembre 1897, durent parvenir à destination en mai ou juin de l’année suivante. Ils étaient accompagnés de l’ordre donné à M. Liotard de diriger vers le Nord tout ce qu’il aurait de soldats disponibles, pour fournir un point d’appui éventuel, en cas d’attaque des derviches, à la mission de Fachoda. Peu de jours après, on renouvelait et à M. Marchand et à M. Liotard, « en vue des revendications ultérieures d’autres puissances, » la recommandation de passer le plus de traités possible avec les chefs de tribus, de manière à constituer une série ininterrompue de protectorats dans le Bahr-el-Ghazal et sur la rive gauche du Nil.

Ce furent les dernières instructions utiles données par le cabinet Méline : aucune lettre, aucun télégramme n’avait plus le temps matériel d’atteindre les intéressés avant que se jouât définitivement sur le Haut-Nil la partie engagée depuis 1893 ; aucun secours à plus forte raison ne pouvait être envoyé de France ; aucun crédit n’était plus disponible, et, ajoutons-le, le Parlement et l’opinion étaient trop surmenés alors par d’autres préoccupations pour qu’il eût été possible, si même cela eût été désirable, d’appeler et de fixer leur attention sur les graves intérêts qui se débattaient là-bas. Il n’y avait plus qu’à attendre, non pas le sort des combats, car tout avait été fait pour qu’il n’y eût pas combat, mais l’issue du conflit engagé entre une poignée de Français héroïques et les forces mêmes de la nature.


V

L’heure n’a pas sonné encore où l’on sera à même de discuter, avec pièces à l’appui, si des fruits auraient pu être tirés d’aussi persévérans efforts, moins amers que ceux recueillis à la fin de 1898. Fût-elle sonnée que ce ne serait point le lieu de le faire, la présente étude n’ayant d’autre objet que de déterminer des faits incontestables et d’assigner à chacun des artisans de cette œuvre les responsabilités qui lui reviennent. Mais l’étude resterait

  1. Au début de 1898, ces dispositions s’améliorèrent sous l’action du besoin où étaient les derviches d’envoyer paître leurs troupeaux sur les plateaux éthiopiens.