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haute, lord Kimberley, chef des libéraux, avait adouci la rudesse de ces propositions par un euphémisme : l’Angleterre, avait-il dit aux lords, se trouvait engagée dans une guerre qui, « à quelques points de vue, ressemblait à une guerre civile. » A la fin de novembre, il fallut changer de langage. Le chargé d’affaires anglais notifiait au gouvernement russe que la Grande-Bretagne se trouvait depuis le 11 octobre en état de guerre avec les républiques du Sud ; ainsi se trouvait annulée, ajoutait-il, la précédente déclaration d’après laquelle l’Angleterre n’était pas engagée dans une guerre, mais se bornait à réprimer un soulèvement. L’Allemagne et plusieurs autres puissances recevaient à la même date (26 novembre) une communication semblable.

A vrai dire, il était à peu près impossible au gouvernement anglais de maintenir sa déclaration primitive et, de méconnaître cet état de belligérance. La force même des choses dictait sa résolution. Lorsqu’on s’agitait aux Etats-Unis, en 1869, pour faire attribuer aux insurgés cubains la qualité de belligérans, M. Sumner avait pu dire à la convention des républicains du Massachusetts : « Les Hongrois, lorsqu’ils se soulevèrent contre l’Autriche, n’ont jamais été reconnus, bien qu’ils eussent de grandes armées en campagne et que Kossuth les commandât ; les Polonais, dans leurs insurrections réitérées contre la Russie, n’ont pas été reconnus, bien que leur lutte fît palpiter l’Europe… Les insurgés cubains sont en armes, je le sais ; mais où sont leurs villes, leurs places fortes, leurs provinces ? où est leur gouvernement ? où sont leurs ports, leurs cours de justice, leurs tribunaux de prises maritimes ?… où est donc le fait de la belligérance ? » et le Président Grant put s’approprier tout ce raisonnement en ouvrant le Congrès, le 6 décembre 1869. En 1893, le Président Cleveland avait pu refuser de traiter avec l’amiral brésilien de Mello, parce que ce chef militaire, s’il tenait en échec depuis six mois les forces régulières de son pays, n’avait pas justifié d’un établissement fixe en terre ferme[1].

Mais la situation des Boers offrait précisément le plus saisissant contraste avec un tel état de choses. On chercherait vainement ailleurs un pareil ensemble de circonstances qui maîtrisât la volonté de leurs adversaires et dictât-leur conduite. La quatrième commission de l’Institut de droit international, dans le

  1. Quoique les rebelles eussent installé récemment un gouvernement provisoire dans la ville de Desterro.