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l’avenir qui l’attend. » Il faut recréer d’urgence des classes de dentelle ; l’entreprise n’est pas bien onéreuse, le traitement d’une maîtresse d’ouvrage est une affaire d’une centaine de francs ; nos comités de patronage seraient tout désignés pour trouver des débouchés à la dentelle ainsi faite, et les enfans, encouragés, pourraient ainsi reprendre l’habitude de ce métier. Mais, pour ces petites ouvrières d’art, il faudra notablement alléger les programmes (est-il indispensable d’apprendre à de petites villageoises la physique, la chimie, l’histoire naturelle, voire l’astronomie ?) et réduire les heures de classe afin de permettre un exercice normal et profitable de la dentelle.

Ce sont là des réformes possibles ; avec de la bonne volonté et un peu de tact, même en fermant simplement les yeux, les pouvoirs publics pourraient singulièrement avancer les choses. Mais il faut se hâter, car, si la situation actuelle se prolongeait, la dentelle, un jour, pourrait venir à reprendre : ce seraient alors les dentellières qui feraient défaut.


V

Dégageons maintenant la conclusion pratique de cette enquête.

La dentelle à la main fut pendant longtemps pour plusieurs régions de notre pays une source admirable de prospérité, et elle contribua à fortifier, sur le terrain artistique et industriel, le renom du travail français ; elle eut un rôle moralisateur des plus appréciables et apporta le bien-être dans les chaumières : c’est donc, au premier chef, une industrie nationale. Elle est, en outre, au moins pour la contrée que nous avons étudiée, le moyen le plus sûr d’enrayer cette désolante dépopulation des campagnes en permettant à la paysanne de gagner sa vie chez elle et d’apporter un appoint sérieux au salaire du mari ; ainsi elle retient, elle fixe la femme au village, et où est la femme est le foyer : au point de vue social, son importance est extrême.

Il ne faut donc pas laisser tomber une industrie intéressante à tant de titres, et le devoir de tous et de chacun est d’en faciliter le relèvement, puisqu’il est susceptible de telles conséquences. Nous avons alors signalé les facteurs possibles de cette reprise : les fabricant, qui perfectionneraient cet article et lui conféreraient un mérite artistique manifeste ; les hautes classes qui patronneraient cette industrie et ses ouvrières. Et nous avons