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projectile nerveux, matériel, bien que subtil, subsista jusqu’à la découverte de l’électricité galvanique. Mais, après 1794, on subtilisa encore plus l’agent de transport et on l’assimila au fluide électrique. On crut réellement que l’influx nerveux se confondait avec l’électricité. Et cette hypothèse a conservé des partisans jusqu’à nos jours. Deux faits expérimentaux, qui lui étaient contraires, en entraînèrent la ruine. Le premier, c’est que le nerf perd son pouvoir de conduction aussitôt qu’il est coupé, alors même que l’on remettrait en contact les deux surfaces de section. La conduction électrique n’est pas annulée par une opération de ce genre. Une solution de continuité constitue, pour le nerf, un désastre irréparable. Il n’y a pas de réunion possible, médiate ni immédiate.

Le second argument qui parut plus décisif encore était relatif à la vitesse de l’agent nerveux. Cette vitesse de transmission a été mesurée et trouvée infiniment plus faible que celle de l’électricité dans les conducteurs. Elle est par seconde d’environ 27 mètres au lieu de 300 000 000. Mais cet argument a beaucoup perdu de sa valeur. Un physicien, M. Brillouin, a fait observer qu’on pouvait ralentir à volonté la vitesse de propagation d’un flux électrique, et obtenir, pour les variations du potentiel le long d’un fil humecté d’huile, une vitesse comparable à celle de l’agent nerveux. D’autre part, M. G. Weiss a réduit la vitesse de propagation du son à 30 mètres par seconde dans le caoutchouc, et l’on peut imaginer que ce qui se réalise pour le son peut aussi se réaliser pour l’agent électrique.

Des deux argumens sous le poids desquels avait succombé l’hypothèse de la nature électrique de l’agent nerveux, l’un, comme nous venons de le voir, tiré de la différence de vitesse, a perdu de sa valeur. L’autre, tiré de l’obligation de l’intégrité d’organisation de la fibre nerveuse, pour la conservation de ses propriétés, a conservé toute la sienne. Il n’existe rien de pareil dans le cas de l’électricité cheminant le long d’un conducteur, rien de comparable ; au contraire, la simple contiguïté des parties, fragmentées ou non, suffit à la conduction.

On a passé outre à cette objection capitale, et dans ces derniers temps, quelques auteurs ont proposé de relever la théorie électrique de son discrédit. Un anatomiste distingué, M. Prenant, s’est fait le promoteur de cette idée. L’agent électrique, sans doute, remplit d’une façon claire quelques-unes des conditions imposées à