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tentative plus méthodique et poursuivie avec plus de persévérance. De grandes facilités furent données aux nouveaux colons pour la traversée et pour le premier établissement. On exigeait qu’ils fussent possesseurs d’un capital de 5 000 francs au moins, indispensable pour parer aux frais d’installation, de plantation, et pour subsister, en attendant que les caféiers, qu’on les engageait surtout à planter, fussent en plein rapport. En même temps, l’Union coloniale obtenait pour les cafés calédoniens l’exemption de la moitié du droit de douane à l’entrée en France. Assez de temps s’est écoulé pour permettre aujourd’hui d’apprécier les premiers résultats de cet essai de colonisation agricole ; un récent discours de M. le gouverneur Feillet nous y invite en nous présentant une sorte de bilan de l’œuvre accomplie[1], et un publiciste, M. Jean Carol, nous en facilite les moyens en donnant au journal le Temps une série d’articles dont on peut ne pas accepter toutes les conclusions, mais qui n’en sont pas moins une source précieuse de renseignemens.

Mettre en valeur la terre cultivable d’un pays neuf n’est pas une opération simple ; les élémens du problème varient avec les conditions géographiques, climatologiques, économiques, dans lesquelles le planteur est appelé à vivre. Nulle part il ne suffit de mettre en présence une terre fertile, même sous un climat sain, et un colon de bonne volonté, même muni d’un capital et d’outils, même secondé par une main-d’œuvre peu coûteuse ; il faut encore qu’il trouve, pour vendre ses récoltes, un débouché avantageux, que ses produits n’entrent pas en concurrence avec ceux de la métropole ou de colonies plus favorisées ; c’est assez dire qu’une pareille tentative demande à être conduite avec prudence et méthode, qu’il est avant tout nécessaire de ne pas engager témérairement des colons, venus de très loin, dans des aventures où ils risqueraient de se ruiner eux-mêmes et de compromettre pour longtemps le bon renom de la colonie. La Nouvelle-Calédonie jouit d’un climat salubre et tempéré qui permet à l’Européen de travailler lui-même le sol ; mais on y trouve relativement peu de terres cultivables : tantôt l’inclinaison des versans, tantôt la nature du sol s’opposent à la mise en valeur ; seuls certains plateaux, quelques coteaux aux pentes douces, le fond des vallées et de rares plaines d’alluvions peuvent se transformer en champs

  1. Discours du 6 novembre 1899 (Nouméa, Imprimerie calédonienne).