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conseil, en corrigeant d’abord et en dépassant ensuite le naturalisme français.

Dans sa manière un peu tranchante et dégagée, à la prussienne, il nous confie en débutant les erreurs esthétiques de sa première jeunesse et sa faiblesse pour les vers sonores et bien frappés. « La plus grande jouissance pour mon oreille, dit-il, était alors une ligne qui sonnât comme une cloche de vache. » Ainsi Flaubert se répétait jadis avec complaisance le plus beau vers de Racine à son avis :


La fille de Minos et de Pasiphaé.


Cette faiblesse pour la consonance et l’euphonie explique la joie du jeune poète à la réception du premier exemplaire imprimé des Chants d’un moderne, et, bientôt après, sa stupéfaction devant l’hostilité de la critique, plus choquée des audaces de sa pensée sociale que charmée des qualités de sa littérature. Tout, dit-il, s’écroula dans son âme : un amer scepticisme l’envahit tout entier, et il demeura pendant une année sans oser reprendre la plume. En 1886, un peu remis de cette première déception, il résolut d’entreprendre, en prose cette fois, un récit de ses plus lointaines impressions d’enfance, sous le titre de Jours dorés. Dès la première page, Holz racontait comment, le nom de la Hollande ayant été prononcé devant lui par hasard, son imagination enfantine fit soudain de ce pays mystérieux un royaume de conte de fées. « En Hollande, les oiseaux de paradis avaient sûrement des chants plus beaux que partout ailleurs, et les caroubiers poussaient sans doute bien, bien plus sauvages. » Cette phrase, qui est plus harmonieuse peut-être, mais non plus profonde en allemand qu’en français, plongea aussitôt l’écrivain dans une véritable extase. Et ici, il nous fait encore une fois songer à Flaubert, lisant et relisant à ses amis certains passages particulièrement mélodiques de Salammbô : « Il poursuivait dans la forêt le monstre-femelle, dont la queue ondoyait sur les feuilles mortes comme un ruisseau d’argent, etc. »

Vanité d’auteur plus puérile toutefois, moins justifiée encore, chez Holz que chez Flaubert, et dont les conséquences furent plus graves pour l’écrivain allemand. Non content de se plonger dans les béatitudes d’une symphonie délicieuse à son oreille, il eut une idée germanique, qui n’était pas venue à notre compatriote. « Soudain, à ma propre stupéfaction (car, en des cas