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Ce sont encore des peintres bien sincères que Cornelis Decker (mort en 1678), avec sa Chaumière près d’une rivière, et ce délicieux Aert Van der Neer (1605-1677), l’ami de la lune et des doux crépuscules. Nul ne raconte si bien la grande paix des soirées silencieuses, la lente fuite des barques sur les eaux scintillantes, la descente fraîche des ombres sur les routes incertaines, les retours fatigués des causeurs somnolens et des troupeaux poussiéreux, la sérénité calmante et majestueuse du ciel illuminé. Ses Bords d’un canal et son Village traversé par une route le font bien connaître et aimer. Egbert van der Poel (1621-1664), qui imite parfois Van der Neer, n’est pas moins passionné pour les clartés lunaires ; il l’est beaucoup pour les incendies, dont il se fit une spécialité. Sa Chaumière au Louvre, toutefois, n’est pas en train de brûler ; on y sent la main d’un observateur scrupuleux qui étudie bien et peint bien, même sous un jour normal. Van der Hagen (1635-1699) est plus timide ; mais combien sa petite Plaine de Harlem, spacieuse, interminable, fuyante sous le ciel immense, ce vaste ciel de Hollande, toujours vivant, toujours peuplé par les sommeils ou les batailles des énormes nuées, le ciel de Van Goyen et de Ruysdael, est encore charmante à voir !

Celui qui, de son temps, passait déjà pour le plus sincère de tous, c’était Paul Potter (1626-1654). Il semble même qu’il périt à la peine, à vingt-neuf ans, s’acharnant à rendre tout ce qu’il voyait, brin à brin, poil à poil, feuille à feuille, comme un graveur, mais à le rendre en peintre, sous la vraie lumière, sans sacrifier ni une lueur ni un reflet, non plus qu’un relief ou qu’une ombre. C’est par ce sens lumineux qu’il se sauva, ne s’épuisa pas toujours dans cette analyse opiniâtre, et que la folie d’exactitude, à certains momens, chez lui, s’éleva presque jusqu’au génie. Ses petites études, les Chevaux attachés à la porte d’une chaumière, le Cheval blanc avec un cerf et deux biches, le Bois de la Haye, et surtout, la Prairie, où la lumière tendre et pâle du matin, qui glisse sur la rosée et réchauffe le bétail assoupi, se répand, sur toutes les choses, avec tant de pureté, nous font assister à la progression régulière et rapide de ce grand talent. Les Chevaux sont de 1647, la Prairie de 1652. Paul Potter mourut deux ans après. Le meilleur animalier, après Paul Potter, fut Adriaan van de Velde (1639-4672), moins naïvement rustique, très savant et très habile. C’est un des artistes qui se montrent le mieux au