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abolies. C’est à lui, par exemple, qu’on doit la restauration de ces Eisteddfodau[1], sortes d’assises poétiques et musicales, dont l’origine remonterait aux premiers temps du bardisme et qui étaient placées sous la direction du Gorsedd beird ynys Prydain. Et peut-être cette origine est-elle moins ancienne : il y a quelque brume et bien de la légende sur le bardisme des douze premiers siècles. Mais il paraît avéré qu’à partir de 1300 au moins jusqu’au temps du fameux Iolo Morganwg, l’un des deux seuls membres de l’ancien Gorsedd qui survivaient au moment de la restauration de ce collège philosophico-poétique, les bardes gallois réussirent à tenir de temps à autre une Eisteddfod solennelle. On en cite une notamment, que présida en 1570 William Herbert, comte de Pembroke, le grand patron de la littérature galloise et le même qui fonda la célèbre bibliothèque de néo-gallois du château de Rhaglan, détruite plus tard par Cromwell. Dans une autre, tenue à Bowpyr en 1681, sous la direction de sir Richard Basset, les membres du congrès procédèrent à une revision complète des anciens textes bardiques, Lois et Triades. Mais ces assemblées solennelles du Gorsedd avaient fini par tellement s’espacer qu’on n’en gardait plus mémoire dans le peuple. Leur restauration fut certainement due en partie à l’influence d’un clergé assez habile pour glisser sur ce que l’institution avait de suspect dans ses origines et ne faire attention qu’au renfort qu’elle apportait à l’idée nationaliste. Remises par lui en honneur, les Eisteddfodau n’ont pas eu un temps d’arrêt depuis 1819. Le Gorsedd, qui en assume la direction, est une manière de libre institut, recruté dans toutes les classes de la société ; les lords y coudoient les bourgeois ; l’égalité est la loi commune, et cette égalité est assurée par deux règlemens du Gorsedd : l’un qui décide que chacun des sociétaires recevra, en entrant dans l’association, un nom symbolique sous lequel il sera seulement connu des affiliés ; l’autre qu’un costume identique revêtira tous les membres dans les Eisteddfodau, blanc pour les druides, vert pour les ovates et bleu pour les bardes. Je sais tout ce qu’on peut dire de ces résurrections de costumes et d’anciens titres tombés en désuétude. Et il est possible en effet que titres et costumes ne correspondent plus à des réalités bien saisissables. Mais ceux qui ont assisté aux

  1. Les restaurateurs officiels des Eisteddfodau furont Williams Owen, dit Pughe, Owen Jones et Edward Williams, dit Iolo Morganwg. Mais, sans l’appui du clergé indigène, il est bien certain que cette restauration eût été impossible.