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égyptienne, » qu’il aura en quelque manière enrichi ce mode de couronner un sommet. Ces maisons américaines, romanes par leur porte, grecques par leurs colonnes, égyptiennes ou plus souvent gothiques par leur couronnement, sont tout ce qu’une maison peut être : hors américaines. Par leur masse compacte et solide, elles rappellent surtout les vieux monumens romans ou anglo-saxons de l’époque carolingienne, comme la tour d’Earl’s Barton, par exemple, et rien n’est moins « nouveau-monde. » Et en quoi de fondamental l’arc de triomphe élevé en l’honneur de l’amiral Dewey sur la cinquième avenue diffère-t-il des arcs de Titus et de Constantin ?

Est-il un peuple plus particulier, plus puissamment original et depuis plus longtemps que les républiques Sud-Africaines, et en quoi les églises et les palais de Johannesburg ou de Pretoria diffèrent-ils de ceux de Londres ou de Chicago ? L’exemple des héroïques habitans du Transvaal défendant des palais à ordres grecs, et celui des Américains faisant passer leurs troupes victorieuses sous l’Arc de Triomphe de Constantin, nous montrent assez que l’art ne suit pas nécessairement la marche d’une civilisation et, qu’à certaines époques, il est plus facile de créer une patrie qu’un style et de la défendre que de l’embellir…

Sans donc nous attarder aux postulats, jugeons donc le fait, et le fait est que les grandes prétentions architecturales du fer en 1889 ont paru déplaisantes et que dix années passées à les considérer n’ont guère réconcilié personne avec elles. Le fait est encore que, depuis dix ans, le mouvement en faveur du fer apparent semble arrêté net, et qu’à certains de ces monumens, on n’a encore trouvé ni leur emploi, ni même leur couleur.

Que dira-t-on contre cette impression ? Qu’elle tient à une habitude de nos yeux qui ne retrouvent pas dans les minces supports de fer les conditions d’équilibre et de stabilité auxquelles ils sont habitués ? Sans doute, l’habitude est pour quelque chose dans nos impressions. À première vue, la forme pyramidale qui est la forme stable par excellence nous plaît mieux que son contraire et il est rare que nous aimions, si nous la trouvons, dans l’architecture, la forme de la pyramide renversée. Mais dirons-nous que cette exigence de notre vue, due à l’habitude, soit inamovible ? Non, car parfois la nature nous offre la forme pyramidale renversée sans nous choquer. Dans les arbres, la partie la plus large se trouve suspendue sur la partie la plus grêle. Le