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d’anathèmes. Il semblait que les progressistes allaient faire manquer l’Exposition, pour laquelle le ministère a tant fait, et à laquelle il se dévoue jusqu’à se promettre à lui-même de ne pas s’en aller avant qu’elle soit terminée.

Le manifeste des progressistes n’était pas signé, ou plutôt il ne l’était pas dans la communication qui en a été faite aux journaux, car il l’était fort bien dans la distribution qui en a été faite à un grand nombre d’électeurs. Mais, signé ou non, il était facile de deviner que la main de M. Méline avait été pour quelque chose dans sa rédaction : aussi est-ce contre M. Méline que se sont tournées les fureurs ministérielles. On l’a même accusé de se cacher pour faire de mauvais coups. Rien n’est moins dans ses habitudes ; il peut avoir d’autres défauts, mais il n’a pas celui-là. M. Méline continue de montrer dans l’opposition les qualités qu’il a déployées, pendant deux ans, au pouvoir : il ne connaît ni le découragement, ni la lassitude, et sa ténacité défie toutes les attaques. Enfin, — et c’est surtout en cela qu’il nous plaît, — il ne craint pas les responsabilités personnelles. Lorsque d’autres attendent, se réservent et se taisent, il va de l’avant, se découvre, parle et se prodigue. On a beau lui répéter qu’il se compromet, il répond en se compromettant davantage, et, à force de se compromettre, il semble être en chemin d’attirer et d’accaparer pour lui seul toute l’attention du pays. Peut-être n’a-t-il pas, pour le moment, grand’chose à faire à la Chambre. On assure qu’il n’y a pas là de majorité pour lui. Il est vrai qu’il n’y en a pas non plus pour d’autres. Mais la Chambre, malgré son importance, n’est qu’un coin de la France, et il reste de la place en dehors du Palais-Bourbon. C’est au pays qu’il faut parler aujourd’hui. La Chambre est déjà arrivée au milieu de sa carrière ; elle a été élue le 8 mai 1898 ; elle sera remplacée dans deux ans, et, si elle ne fait pas dans ces deux ans plus de besogne qu’elle n’en a fait dans les deux qui viennent de s’écouler, elle aura des comptes assez difficiles à rendre à ses électeurs. Dès maintenant, la campagne électorale commence à s’ouvrir. Dès maintenant, les responsabilités de chacun doivent être établies. C’est à quoi travaille M. Méline. Il a répliqué aux attaques dont il était l’objet par un discours qui a encore augmenté les fureurs de la presse ministérielle, parce qu’il est vraiment un acte. Cette fois, on n’a pas pu lui reprocher de combattre à visage couvert. Le discours de Remiremont est tout un programme. Nous ne l’analyserons pas, car il faudrait pour cela répéter beaucoup de choses que nous avons dites nous-mêmes bien des fois et qui sont familières à nos lecteurs. Mais, si nous laissons de côté la