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de confiance, aucune assemblée n’a jamais toléré qu’on réduisît une discussion de cette importance à une simple discussion de procureur sur des chiffres. Je doute si peu de ce droit que je ne continuerai pas mon discours, s’il ne m’est formellement reconnu.

Morny. — Je ne méconnais pas ce qu’il y a d’élastique dans la discussion du budget ; je sais que toutes les questions de politique intérieure ou étrangère qu’on voudrait traiter peuvent toujours être rattachées au budget de tel ou tel ministère. Mais il y a une limite. Où se trouve-t-elle ? Dans le bon sens et l’appréciation de l’Assemblée. S’il en était autrement, la discussion du budget pourrait durer quinze jours, et ensuite le droit d’interpellation, qui n’existe pas dans la Constitution, serait ainsi repris par chaque membre, puisqu’on pourrait interpeller le gouvernement sur tous les sujets possibles. Je ne permettrai pas que la discussion s’égare à ce point. Si vous voulez vous exprimer rapidement sur la liberté de la presse, vous aurez le droit de le faire, mais si vous voulez donner à votre discussion les développemens que vous avez annoncés, la parole vous sera retirée.

Emile Ollivier. — Je réponds à vos nouveaux argumens. Monsieur le Président. Le droit reconnu d’examiner à propos du budget toutes les questions de la politique intérieure et extérieure ne rendrait nullement les discussions interminables. La Chambre reste toujours maîtresse d’arrêter un orateur qui se livrerait à des développemens exagérés, et, pas plus dans cette occasion que dans toute autre, l’abus du droit ne saurait être légitimement invoqué contre le droit lui-même. Je ne suis pas davantage coupable d’avoir voulu ressusciter inconstitutionnellement le droit d’interpellation. Vos scrupules à cet égard sont excessifs. La Constitution, en supprimant le droit d’interpellation, n’a pas voulu enlever aux députés de la nation le moyen de faire connaître au gouvernement les griefs de leurs commettans, d’en poursuivre le redressement, de solliciter des explications ou des promesses. Elle a voulu seulement que ce droit ne fût pas exercé à l’improviste et à tout propos, et elle a tout réservé pour la discussion du budget. Dans cette occasion solennelle, l’interpellation est si loin d’être interdite que tout est interpellation. Alors les députés ont le pouvoir de presser de questions les organes du gouvernement, de tout scruter, de tout dévoiler, de tout critiquer, sauf, peut-être, pour le gouvernement, la faculté de ne pas leur répondre. Permettez-moi