Page:Revue des Deux Mondes - 1900 - tome 159.djvu/344

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

enclin à juger que tel officier, le capitaine F..., déployait une cruauté inutile à faire mettre à mort, après capitulation, des prisonniers sans défense, tandis que tel autre, le commandant G..., usait de procédés peu recommandables pour « inspirer la terreur de nos armes[1]. »

Ainsi se révélait dès le début, par des dénonciations mutuelles qui n’en étaient malheureusement qu’à leur début, la divergence de vues dont la division des pouvoirs civil et militaire était la cause première, et que le caractère respectif des divers agens qui représentaient la France à Madagascar ne fit qu’aggraver par la suite. « Fausse conception des moyens convenant à la répression, » disaient les civils en parlant des militaires ; « Coupable tolérance à l’égard des intrigues du palais, » ripostaient ceux-ci en visant les premiers. Et la polémique continua, dans la presse tout autant que dans les rapports officiels, jusqu’au moment où elle se compliqua de dissensions survenues entre civils d’une part, entre militaires de l’autre.

Dans l’intervalle, cependant, les faits de rébellion se multipliaient. Le 2 février, la résidence générale rapporte que l’est commence à se remuer dans la région côtière, mais que le mouvement paraît dirigé contre les Hovas et respecte les blancs. Le 11, il y a des menées factieuses au nord de l’Emyrne, et à l’ouest, à 60 kilomètres de la capitale. Le 12 mars, le brigandage s’étend au nord, et surtout aux environs d’Ambatondrazaka. Le 22, l’insurrection éclate à Ambatomamby, assez près de la capitale, sous la direction de gouverneurs hovas. Le 25, celle du nord prend un caractère nettement anti-européen et anti-chrétien. Le 30, trois Français sont assassinés dans la direction sud-est de Tananarive, à Manarintson. Le 13 avril, le « fahavalisme, » — toujours le brigandage, — existe à peu près partout dans l’Émyrne, à l’état sporadique tout au moins, et l’approche de la saison sèche, époque normale des déprédations commises par les voleurs de bestiaux et de récoltes, fait croire qu’il va s’étendre.

Contre les progrès de cette envahissante gangrène, que fait l’autorité militaire ? Préoccupée par-dessus tout de ne pas éparpiller les maigres effectifs dont elle dispose, elle organise des « colonnes, » elle expédie successivement des détachemens importans à l’est, au nord, au sud ; ces détachemens répriment aisément

  1. 2 février 1896.