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fermer la porte aux produits étrangers ? Il était de toute nécessité que la pacification précédât l’application du tarif, de manière à permettre la création préalable ou simultanée de taxes indigènes, de droits de consommation, etc., qui viendraient combler le déficit probable et pourvoir aux dépenses civiles de l’île sans contraindre la métropole à augmenter ses sacrifices pécuniaires.

Puis, que signifierait l’établissement de droits protecteurs considérables, dans un pays pourvu d’une immense étendue de côtes, si l’on n’avait auparavant organisé d’une manière efficace le service douanier sur toute la périphérie de l’île ? L’augmentation des tarifs douaniers n’est pas autre chose qu’une prime donnée à la contrebande, prime d’autant plus forte que l’élévation est plus grande, lorsqu’elle n’est point accompagnée par une surveillance étroite de la frontière. Sans doute, on pouvait simplifier la question en n’ouvrant qu’un petit nombre de ports au commerce extérieur, et en obligeant les navires qui voudraient charger ou débarquer sur d’autres points de la côte à se faire suivre, à leurs frais, par des agens du service des douanes. Assurément encore, sans constituer du premier coup un personnel spécialement affecté à la perception des droits d’entrée et de sortie, on pouvait investir de ces attributions d’autres agens, comme des commis de résidence, voire des sous-officiers, qui se feraient eux-mêmes assister d’indigènes. Mais, même avec ces simplifications[1], on avait besoin d’hommes, d’argent, de bateaux pour croiser devant le littoral et réprimer la fraude, et l’on ne pouvait songer à installer des postes de douanes, fût-ce en nombre restreint, dans les régions qui n’étaient point encore soumises, ni seulement occupées par nos troupes. Avant d’atteindre, dans cette direction, un résultat utile, il fallait du temps, beaucoup de temps.

Il y a mieux : quel bienfait immédiat pouvait-on attendre d’une brusque surélévation des droits d’importation ? Aucun pour l’industrie métropolitaine ; mais, au contraire, une sérieuse aggravation de charges pour la population indigène qui, déjà peu fortunée en temps normal, se trouvait encore appauvrie par la guerre, l’insurrection, et le chômage qui en était la suite. C’était le régime des cotonnades qui préoccupait surtout nos industriels de l’est et de l’ouest. Or ces articles, qui sont de grande consommation à Madagascar, et qui, pour la plupart, étaient de provenance

  1. Elles firent l’objet d’instructions spéciales le 28 mai 1896.