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Les informations parvenues de Madagascar au Pavillon de Flore de mai à juillet 1896 ne faisaient que confirmer, si même elles ne les accentuaient, les conclusions que l’on devait tirer des rapports des mois précédens. L’insurrection ne cessait pas de gagner du terrain. Le 7 mai, elle enveloppait Tananarive dans un rayon de 16 kilomètres, incapable de résister à toute attaque des troupes régulières, mais fort agile pour défier leur poursuite ; sept officiers royaux, qui avaient voulu se mêler d’arrêter un prêtre idolâtre avaient été brûlés vifs, et les voyageurs isolés ne pouvaient pas, sans péril pour leur vie, se hasarder sur la piste muletière que le génie militaire était en train d’achever pour relier la capitale à Tamatave. Le 12, les incendies de villages par les rebelles continuaient, et l’on jugeait utile de faire intervenir la reine Ranavalo pour décréter que les « peines les plus graves » seraient prononcées contre les insurgés qui ne feraient pas leur soumission avant le 15. A la fin du mois, la mission norvégienne d’Antsirabé dut soutenir un siège de trois jours contre une bande de 1 500 hommes, dont les assauts répétés ne furent finalement repoussés que par le retour inopiné du résident français, M. Alby, avec une poignée de soldats. Le 15 juin, nouveaux assassinats d’Européens, à Amboimanga, à Ambatomainty, et sur la route de Majunga. Le 20, la province de Vonizongo était considérée comme perdue.

Ces accidens répétés ne semblaient point troubler la sérénité de M. Laroche. « L’expérience est faite maintenant, disait-il[1], et permet de conclure avec certitude qu’il ne faut pas augmenter l’effectif des troupes ; ce serait une grosse dépense tout à fait inutile ; les troupes sont trop lourdes pour un ennemi toujours en mouvement. Les milices, au contraire, ont une extrême mobilité... mais des caporaux français sont nécessaires pour les encadrer... Si ma demande est satisfaite, je me charge d’en finir en deux mois avec l’insurrection. » Et encore[2] : « Une vive émotion règne parmi beaucoup d’Européens de Tananarive, trouble leur jugement et leur suggère des propositions folles. Notre situation, cependant, ne présente aucun danger, je vous en donne l’assurance formelle. Nous avons seulement besoin de caporaux pour la milice. »

Telle n’était point l’opinion de tout le monde ; on peut même

  1. 7 mai 1896.
  2. 15 Juin.