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Quand verrons-nous, sur le haut d’une scène,
Quelque Janin[1] ayant la joue pleine
Ou de farine ou d’encre, et qui dira
Quelque bon mot qui vous réjouira...


Il y a longtemps qu’on l’a dit, et non pas sans raison : avec Tous ses défauts, tous ses vices, toutes ses tares, cette race des Valois n’en a pas moins été, comme celle des Médicis, une race éminemment artiste ; et on peut, à quelques égards, si l’on le veut, s’indigner, mais non pas s’étonner, que les artistes lui en aient témoigné de la reconnaissance. Ils savaient aussi ce que Calvin pensait d’eux, et ils pouvaient voir ce que sa discipline tyrannique avait fait de Genève. On voulait pouvoir jouer librement au trictrac, et porter, au besoin, des chausses déchiquetées ! Et, Français en même temps qu’artistes, se trompaient-ils entièrement quand, après avoir vu François Ier et Henri II faire en somme de la patrie française la première puissance de l’Europe, ils reprochaient aux protestans d’avoir compromis sa fortune ?


Las ! faut-il, ô destin, que le sceptre français
Que le fier Allemand, l’Espagnol et l’Anglais
N’a su jamais froisser, tombe sous la puissance
Du peuple qui devait lui rendre obéissance !
Sceptre qui fut jadis tant craint de toutes parts,
………………
Sceptre qui fut jadis la terreur des Barbares !
………………
Bref, par tout l’univers tant craint et redouté.
Faut-il que par les siens lui-même il soit dompté !


III

Nous ne saurions quitter les Discours des Misères de ce temps sans dire quelques mots de leur signification ou de leur valeur littéraire. Le bon Henri Martin a écrit, dans son Histoire de France (t. IX, p. 10 et 11) : « Tout en reconnaissant aujourd’hui la valeur littéraire de Ronsard et de quelques-uns de ses acolytes. on ne peut cependant admettre leurs images sur cette voie sacrée de la tradition nationale que bordent les monumens de nos grands écrivains et nos grands artistes. Ils n’appartiennent pas à la vraie France, à cette Gaule française, dont ils étouffent la naïveté primesautière

  1. « Janin, excellent farceur de son temps. » dit une note du savant Marcassus.