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tout à fait dissipée. Nous nous demandons pourtant s’il est bien vrai, et même s’il est possible que le roi Humbert ait été l’objet d’un oubli volontaire : un oubli involontaire serait, d’ailleurs, plus invraisemblable encore. Bien que nous n’ayons aucun renseignement à ce sujet, nous hésitons à croire que le roi d’Italie n’ait pas été pressenti sur l’accueil qu’il ferait à une invitation personnelle et directe, et, si l’invitation n’a pas été faite, c’est sans doute parce qu’il n’aura pas témoigné grand empressement à la recevoir. Il y a de la gêne, en effet, entre le roi d’Italie et l’empereur d’Autriche. Alliés, tant qu’on voudra, et surtout tant que le voudra l’Allemagne ; mais amis bien sincères, cela n’est pas aussi sûr. Nous n’en voulons pour preuve que les alarmes qui se sont manifestées en Italie, ces derniers jours encore, à propos de prétendus projets de l’Autriche sur l’Albanie. Peut-être serait-il plus juste de parler des indomptables espérances que conserve l’Italie de conquérir plus tard les parties de son territoire que l’Autriche continue de détenir. L’Italia irredenta reste la pensée de derrière la tête de tout Italien patriote, et ils le sont tous. Enfin, comment oublier que, passant un jour par-dessus toutes ces considérations qui auraient pu lui conseiller plus de réserve, le roi Humbert, accompagné de la reine Marguerite, est allé à Vienne faire visite à l’empereur François-Joseph, et que cette visite ne lui a jamais été rendue ? Combien d’années y a-t-il de cela ? Dix-neuf bientôt : c’était, si nous ne nous trompons, à l’automne de 1881 que cette démarche a été faite. Depuis lors, François-Joseph, — et cela évidemment pour des motifs graves, — n’a pas observé à l’égard de son allié cette règle élémentaire de la politesse qui est la même pour les rois que pour les particuliers, et qui consiste à rendre toujours les visites qu’on a reçues. Est-ce donc que François-Joseph n’aurait pas oublié les désastres militaires et politiques de la première partie de son règne, la Lombardie perdue, puis Venise, enfin son expulsion totale de l’Italie, à l’exception de Trente et de Trieste ? Non ; il a oublié tout cela, et nous allons voir, par les discours qui ont été tenus à Berlin, qu’il a dû oublier d’autres choses encore ; mais il est souverain d’un pays où la grande majorité est catholique ; il l’est lui-même avec ardeur ; à mesure qu’il avance en âge et qu’il voit sa fin plus prochaine, il s’affermit toujours davantage dans les sentimens qui lui tiennent le plus au cœur ; et ce n’est un secret pour personne que, s’il n’a jamais consenti à mettre le pied à Rome, c’est parce qu’il a craint de paraître adhérer par là à la dépossession du Saint-Père. Voilà pourquoi il s’est abstenu, et s’abstiendra jusqu’au bout. Il y a donc une question pendante entre François-Joseph et