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de cette impasse sur laquelle on ne peut vraiment jeter les yeux sans éprouver le plaisir de n’être rien[1]. »

C’était donc par le plébiscite qu’on assurerait le fonctionnement pacifique et légal de la responsabilité impériale. Contre les votes de défiance de la Chambre, les ministres auraient un recours devant le corps électoral, par la dissolution, droit ministériel. Contre les exigences des ministres et des Chambres qu’il jugerait nuisibles au bien public, l’Empereur aurait la ressource d’un appel direct au peuple. On assurerait ainsi aux institutions un lest de stabilité dont elles sont dépourvues depuis que l’autorité des Chambres hautes a été affaiblie ou détruite. En effet, dans le seul pays où le plébiscite fonctionne comme une institution normale, le peuple s’est constamment montré plus sensé que ses représentans. Il n’a pas approuvé leurs innovations radicales : élection des juges, suppression du budget des cultes, vaccine obligatoire, monopoles divers, etc.[2].


Réclamer un empire libéral signifiait donc pour moi, quand j’adoptai cette formule, demander la liberté sociale, et la liberté politique, garantie de la première, mais organisée tout autrement qu’elle n’avait été par les régimes de 1814 et de 1830.

Ce plan était raisonnable ; était-il réalisable ? En politique ce qui ne peut se réaliser cesse d’être raisonnable. Sur la liberté sociale, la cause était gagnée ; l’Empereur en était partisan plus encore que Morny, et par là, même avec la Constitution de 1852, c’était un souverain libéral. Il y aurait plus de difficulté sur la liberté politique ; l’Empereur se défiait de l’usage qu’en feraient contre lui les partis, mais son esprit clairet juste ne tarderait pas à se convaincre qu’ayant accordé le principal, il n’avait qu’à gagner à ne pas retenir dans sa main à moitié ouverte les conséquences

  1. Courrier du Dimanche du 10 mars 1861.
  2. Le referendum est, sauf le nom, la même institution que le plébiscite. On a essayé de les distinguer en disant que le plébiscite porte sur le nom d’un homme, et le referendum sur le vote d’une loi. Il est dans notre histoire des plébiscites dont l’unique objet a été l’acceptation ou le rejet d’une constitution. La seule différence réelle est que le plébiscite suisse a été réglementé, parce qu’il est habituel, et que le plébiscite français, n’étant qu’exceptionnel, n’a pas encore reçu sa législation. Bien entendu, le plébiscite, comme toutes les manifestations du suffrage universel, devrait être soumis à une organisation hiérarchique. J’ai exposé mon système dans 1789 et 1889, p. 311. — Voyez aussi les articles de premier ordre écrits dans cette Revue par M. Charles Benoist sur ce sujet d’importance majeure, dont il serait bien plus urgent de s’occuper que de ressasser des redites inutiles sur la république et la monarchie.