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Cependant le flot ininterrompu de soie bruissante glisse vers les salons, accompagné d’un riant caquetage, celui des bonnes amies qui se retrouvent, se rapprochent et déjà continuent à médire du bout des lèvres. Elles ont commencé à l’église, pendant le défilé de la sacristie, si favorable à ce genre d’épanchement.

— Il n’y a pas lieu de se plaindre, on n’a guère attendu les mariés qu’une petite heure.

— Peut-être a-t-il été difficile de le rattraper. On dit qu’au dernier moment, il a été tout près de rompre.

— Est-ce que cela vous étonne beaucoup ?

— Pauvre garçon !

— Soit ! mais je dirais encore mieux, pauvre fille !

Ces derniers mots sont lancés hardiment par une Mme de Jouville, qui passe pour avoir été admirée de très près naguère par le marié.

— Enfin, le discours était édifiant. On ne nous a laissé rien ignorer des généalogies, des vertus, des millions…

— Pardon, n’embrouillez pas… à chacun sa part.

— Bah ! maintenant tout cela ne fait plus qu’un. Pour combien de temps ? L’avenir le dira.

Ces paroles de bon augure se perdent dans le bruit des félicitations reçues d’un air de ravissement par les deux familles, qui, malgré l’extrême fatigue d’une si terrible journée, jouent leur rôle à souhait, serrant avec chaleur toutes les mains qui se tendent vers elles et répondant aux exclamations congratulantes par de vagues murmures attendris.

Puis le flot souple, ininterrompu, des visiteurs se répand du premier salon dans tous les autres, dont l’enfilade représente une espèce de bazar. Le public est admis à y circuler librement devant les objets précieux qui couvrent les guéridons, remplissent les vitrines, débordent un peu partout. Exposition générale des cadeaux. Les diamans de famille sont là, ceux de la corbeille aussi, et les perles offertes pur une princesse en exil auprès de laquelle la mère du fiancé remplit les fonctions honorifiques et gratuites de dame d’honneur. Assez médiocres, ces perles, provenance à part. En revanche, une royale série d’éventails anciens et modernes, et les vieux points à l’aiguille portés par Marie-Antoinette, — une note épinglée l’attestte, — des meubles d’art, des bibelots de tous les siècles qui suffiraient à monter un magasin de curiosités.